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La ville des 15 minutes

La ville des 15 minutes est un concept qui prône une organisation de la ville où les personnes ont accès à la plupart de leurs destinations du quotidien en moins d’un quart d’heure de marche ou de vélo de leur résidence. Selon les variantes du concept, les destinations du quotidien concernent le magasinage, les soins, l’éducation et les loisirs. Le travail n’y est pas systématiquement inclus puisque la répartition des emplois répond bien souvent à des dynamiques métropolitaines et régionales.

Le concept combine les concepts de milieux de vie complets et de ville polycentrique, tout en adoptant la perspective individuelle plutôt que la perspective collective. La popularisation de ce concept a contribué à mettre la proximité et la localisation des activités à l'avant-scène dans les réflexions portant sur l'aménagement des milieux de vie.

Source: C40 Cities

LE CONCEPT DE LA VILLE DES 15 MINUTES

UN TERME ACCROCHEUR QUI RENOUVELLE ET POPULARISE DES CONCEPTS D’URBANISME CONNUS

L’idée de la ville des 15 minutes a été théorisée par le chercheur Carlos Moreno en 2016. Elle s’inscrit dans la continuité de concepts comme celui des 20 minutes neighborhoods porté par la Ville de Portland (Oregon), celui des milieux de vie complets et celui de la ville des courtes distances du nouvel urbanisme. Elle se rapproche également des concepts de centralité, de transit-oriented development (TOD) et de pedestrian-oriented development (POD), en ce sens qu’ils permettent un accès rapide aux services.  

Expérience individuelle et choix de mode de déplacement, à Paris | Source: Vivre en Ville

La particularité du concept réside dans la valorisation du déplacement en tant qu’expérience individuelle. La durée de déplacement devient donc centrale puisque c’est avant tout la marche et le vélo qui sont considérés dans le choix du mode de déplacement permettant d’accéder aux différentes activités. La place que le concept fait à l’humain explique en bonne partie sa popularité.

Mis de l’avant en 2020 par la campagne municipale d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris (Paquier, 2020), le concept a connu un rapide succès. Celui-ci a été accéléré par la crise de la COVID‑19 qui a mis en évidence les vertus de la proximité, et par le regroupement de maires et mairesses C40 Cities (2020a), dont fait partie Valérie Plante, mairesse de Montréal de 2017 à 2025, qui a appelé les villes à endosser le concept.

LA VISION

Le modèle de la ville des 15 minutes propose:

  • la grande proximité des services, grâce à un modèle de ville polycentrique (Moreno, 2016), qui s’oppose à la fois à une centralisation des services dans le centre-ville et à l’éparpillement des services dans des secteurs inaccessibles autrement qu’en automobile;

  • la mobilité active comme socle de la mobilité, qui permet de renouer avec l’échelle humaine des milieux de vie ou des quartiers, en rupture avec «l’ère de la voiture omniprésente» (Moreno, 2016).

LES VARIANTES DU CONCEPT

Le concept est décliné par plusieurs villes en de multiples variantes, selon:

  • la durée de déplacement, qui varie, entre 10 minutes pour Kirkland (Washington), 15 minutes pour Paris (France), 20 minutes pour Portland (Oregon), Détroit (Michigan) ou Melbourne et Victoria (Australie), et 30 minutes pour Sydney (Australie);

  • les motifs de déplacement, puisque certaines excluent le travail;

  • le mode de déplacement, puisque certaines incluent le transport en commun (p. ex. Melbourne). L’automobile, elle, y est systématiquement exclue.

Appétit pour les rues piétonnières, Gatineau | Source: Vivre en Ville

LES BÉNÉFICES ET LES LIMITES DU CONCEPT DE LA VILLE DES 15 MINUTES

DES BÉNÉFICES MULTIPLES ET VISIBLES

Les bénéfices individuels attendus de la concrétisation du concept sont de deux ordres:

  • socialisation et épanouissement: davantage d’occasions de tisser des liens sociaux et de bénéficier des effets bénéfiques de relations de proximité;

  • santé et qualité de vie: gain de temps et d’énergie et saines habitudes de vie (Victoria State Government, 2019);

  • qualité du cadre de vie: augmentation de l’offre de services à proximité et bonification des parcours pour la mobilité active

  • finances personnelles: diminution de la dépendance à l’automobile, tant en ce qui a trait au nombre de déplacements motorisés qu’en ce qui concerne les distances parcourues en automobile (City of Kirkland, s. d.).

Marché fermier à Freiburg im Breisgau (Allemagne) | Source: Vivre en Ville

Les bénéfices collectifs attendus sont multiples:

  • plus grande équité territoriale dans l’accès aux services comme, par exemple, l’accès à une saine alimentation (réduction des déserts alimentaires) (Daniel et collab., 2009; C40 Cities, 2020b);

  • réduction de la circulation automobile, de la congestion et du nombre de collisions et de leurs victimes;

  • amélioration de la qualité de l’air et du bilan carbone en transport (Victoria State Government, 2019);

  • facilitation de la mise en place de mesures d’apaisement de la circulation et d’aménagements favorables à la mobilité durable;

  • augmentation de l’attractivité de la collectivité et de la vitalité économique du quartier (City of Kirkland, s. d.);

  • renforcement du sentiment d’appartenance et de l’esprit de communauté (Victoria State Government, 2019).



DES LIMITES MAJEURES À LA CONCRÉTISATION GÉNÉRALISÉE DU CONCEPT

Sur le plan théorique, le concept passe sous silence le rayonnement régional de certaines activités et aplanit les échelles, puisqu’il ne prend pas en compte que: 

  • La densité ne pourra pas être suffisante dans tous les milieux de vie.
    Considérant que de 25 à 30 ménages à l’hectare sont nécessaires pour soutenir une offre complète de services de proximité (Stanley et Hansen, 2020), ce ne sont pas tous les milieux qui auront une densité suffisante pour devenir une ville des 15 minutes. C’est par exemple le cas de certains milieux suburbains ou périurbains et de municipalités rurales éloignées des centres régionaux dont la population ou la densité seront rarement favorables à l’accueil d’activités ou d’équipements de rayonnement régional (p. ex. stade, hôpital, université, grande surface spécialisée) pour être accessibles à 15 minutes de marche ou de vélo.

  • Les emplois ne peuvent pas être répartis de façon homogène sur le territoire, tant sur le plan de leur type que de leur nombre.
    L’inclusion des déplacements pour le travail dans le concept de la ville des 15 minutes ne reflète pas la réalité des concentrations d’emplois qui répondent désormais en grande partie à des dynamiques régionales (p. ex. suburbanisation, popularisation du télétravail, développement en grappes économiques). Il est donc plus simple d’exclure les déplacements pour le travail des exigences du concept de la ville des 15 minutes pour ne pas nourrir l’idée qu’il faille répartir les emplois de façon uniforme sur le territoire. Bien au contraire, la localisation des activités doit être planifiée finement de façon à renforcer les bons milieux et ainsi rendre les activités structurantes accessibles par des modes de mobilité durable au plus grand nombre de personnes possible.

  • Les commerçants et les fournisseurs de service ne desservent pas uniquement les individus résidant à proximité de leur établissement.
    Leur modèle d'affaires cherche plutôt à les distinguer de leurs concurrents et ainsi accroître leur bassin de chalandise et leur rayonnement au-delà de leur environnement immédiat. Ainsi, même si un milieu possède toutes les caractéristiques portant sur l’offre de commerces et de services d'une ville des 15 minutes, plusieurs facteurs peuvent amener les résidents de ce milieu à sortir de leur quartier pour bénéficier de commerces et services précis. Par exemple, les New-Yorkais, qui bénéficient d'une concentration et d’une proximité exceptionnelles des emplois et des commerces, n'effectuent qu'à peine plus de la moitié de leurs achats dans un rayon de 20 minutes de marche de leur domicile (Farrell, Relihan et Ward, 2017).

L'application étendue du concept de ville des 15 minutes pose des défis importants, particulièrement pour les milieux qui ne disposent pas de bases favorables en matière de forme urbaine (c.-à-d. densité et trame viaire de déplacement) et de diversité d'activités. À moins de soutenir fortement ces milieux de manière à offrir une palette complète de services aux milieux résidentiels de faible densité (O’Sullivan et Bliss, 2020), appliquer le concept de ville des 15 minutes implique des transformations majeures, et pas toujours réalistes. Cela implique notamment d'augmenter de façon significative le nombre de personnes et d'activités. De telles transformations sont associées à d'importants défis en matière de disponibilité de locaux et de terrains, d’abordabilité, d’acceptabilité sociale de la densification et de la réglementation (Vivre en Ville, 2016). Globalement, il s'agit d’aller à l’encontre de la tendance de l'accroissement continu de la taille des espaces de commerces, de services et d'équipement, mais aussi à son corollaire, la culture dominante de l’automobile (O’Sullivan et Bliss, 2020).

Le concept de la ville des 15 minutes reflète donc une intention et un idéal. Pour le matérialiser, une approche considérant l’importance de l’échelle régionale dans l'aménagement des milieux et le réel potentiel de transformation de ces derniers doit être mobilisée. 

VERS L’APPLICATION DU CONCEPT

Les efforts de plusieurs villes qui tentent d’appliquer le concept de ville des 15 minutes commencent à porter fruit. Par exemple, la Ville de Paris (2020) mise sur la diversification des usages des lieux, en utilisant mieux «les ressources cachées de la ville» avec, par exemple:

  • l’installation d’équipements sportifs dans les rues et les parcs;

  • l’encouragement des circuits courts;

  • l’achat de locaux de rez-de-chaussée pour accueillir des médecins, des lieux culturels, des associations, des ressourceries, des cantines solidaires, des coopératives, des cuisines partagées, etc.

La Ville de Paris se démarque également par l’ampleur de ses projets de mobilité collective et active. Ce chantier (Société des grands projets, 2024) facilite l’intégration métropolitaine et régionale des milieux de banlieues qui aspirent à faire partie de la ville des 15 minutes.

Milan, pour sa part, a travaillé sur la mobilité active par la création de 35 kilomètres de nouvelles pistes cyclables et la transformation en voies piétonnières de plusieurs rues où sont situés des établissements scolaires. Portland en Oregon, enfin, a transformé près de 150 kilomètres de rues très fréquentées en voies vertes de quartier, avec des arbres et des «canaux» écologiques qui assurent un apaisement du trafic, et où se trouvent de nouveaux appartements et des commerces au niveau de la rue (C40 Cities, 2020a).


Références

C40 CITIES (2020a). Programme des maires du C40 pour une reprise écologique et juste, Global Mayors COVID‑19 Recovery Task Force, 36 p. [En ligne]
C40 CITIES (2020b). «How to build back better with a 15‑minute city», C40 Cities Climate Leadership Group. [En ligne]
CITY OF KIRKLAND (s. d.). «10 Minute Neighborhood Analysis», City of Kirkland Official Site[En ligne]
CITY OF PORTLAND (2012). «The Portland Plan», Portland.gov. [En ligne]
DANIEL, Mark, Yan KESTENS et Catherine PAQUET (2009). «Demographic and Urban Form Correlates of Healthful and Unhealthful Food Availability in Montréal, Canada», Canadian Journal of Public Health, vol. 100, n° 3, p. 189‑193. [+info]
FARRELL, Diana, Lindsay RELIHAN et Marvin WARD (2017). Going the Distance: Big Data on Resident Access to Everyday Goods, JPMorgan Chase Institute [PDF]. 19 p.
HIDALGO, Anne (2020). «Ville du 1/4h», Paris en commun, programme électoral d’Anne Hidalgo. [En ligne]
MORENO, Carlos (2016). «La ville du quart d’heure: pour un nouveau chrono urbanisme», Carlos Moreno: La passion de l’innovation, article de blogue, 5 octobre 2016. [En ligne]
O’SULLIVAN, Feargus, et Laura BLISS (2020). «The 15‑Minute City—No Cars Required—Is Urban Planning’s New Utopia», Bloomberg Businessweek, 12 novembre 2020. [En ligne]
PAQUIER, Jacques (2020). «La ville du 1/4 d’heure au cœur du programme d’Anne Hidalgo», Le Journal du Grand Paris et de l’île-de-France, 14 janvier 2020. [En ligne]
SOCIÉTÉ DES GRANDS PROJETS (2024). «Grand Paris Express, le nouveau métro», Grand Paris Express, République française. [En ligne] (consulté le 31 octobre 2024)
STANLEY, John, et Roz HANSEN (2020). «People love the idea of 20‑minute neighbourhoods. So why isn’t it top of the agenda?», The Conversation, 19 février 2020. [En ligne]
VICTORIA STATE GOVERNMENT (2017). «20 Minute Neighbourhoods: Create more inclusive, vibrant and healthy neighbourhoods», Plan Melbourne 2017–2050. [En ligne]
VICTORIA STATE GOVERNMENT (2019). 20-Minute Neighbourhoods: Creating a more liveable Melbourne, Victoria State Government [PDF]. 48 p.
VILLE DE PARIS (2020). «Paris ville du quart d'heure, ou le pari de la proximité», Paris: Grand format, dossier sur le site Web officiel de la Ville de Paris. [En ligne]
VIVRE EN VILLE (2016). Croître sans s’étaler: où et comment reconstruire la ville sur elle-même. Vivre en Ville. 123 p. (coll. Outiller le Québec; 7) [+info]

Galerie photos

Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2021). La ville des 15 minutes. Carrefour.vivreenville.org

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