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Mobilité durable

«La mobilité représente la capacité et le potentiel des personnes et des biens à se déplacer ou à être transportés. Elle constitue le fondement des échanges sociaux, économiques et culturels des individus, des entreprises et des sociétés.» (Québec. MTQ, 2018a). Bien plus qu’un simple déplacement, la mobilité représente une expérience humaine qui a des impacts tantôt positifs, tantôt négatifs, sur les milieux de vie. Ainsi, réduire l’empreinte de la mobilité des personnes tout en répondant aux besoins de déplacement exige de considérer plusieurs paramètres:

  • l’équité (abordabilité et accessibilité universelle);

  • l’efficacité (rapidité et facilité d’utilisation);

  • l’effet sur la forme urbaine et l’économie (consommation d’espace, poids sur les finances publiques);

  • l’effet sur l’environnement (émission de gaz à effet de serre et autres polluants);

  • l’effet sur la santé et la sécurité.Les modes de déplacement actifs et collectifs sont ceux qui répondent le mieux à ces paramètres.

Les modes de déplacement actifs et collectifs sont ceux qui répondent le mieux à ces paramètres.

Portland, Oregon (États‑Unis) | Source: Vivre en Ville

MOBILITÉ VERSUS TRANSPORT

La mobilité est un concept différent de celui du transport, car elle désigne également les déplacements potentiels et donc les conditions spatiales, économiques et sociales qui permettent ou contraignent ces déplacements éventuels (Gudmundsson, cité dans Boucher et Fontaine, 2011). La mobilité renvoie donc à la notion d’accessibilité des lieux de destination et à la capacité des individus à s’y rendre. La mobilité durable est ainsi un concept qui se distingue de celui du transport durable.

Tableau 1. Changement de paradigme entre l’approche classique en transport et la mobilité durable.

APPROCHE CLASSIQUE EN TRANSPORT

MOBILITÉ DURABLE

Vitesse/fluidité

Proximité/accessibilité

Centrée sur les véhicules (privés et collectifs) et les déplacements physiques

Centrée sur l’accessibilité et les dimensions sociales

Modèle de gestion de l’offre et la demande

Modèle «Réduire, transférer, améliorer»

Dépendance aux solutions techniques

Valorisation des solutions d’équité

Rue vue comme un corridor de transport

Rue vue comme un milieu de vie (circulation, socialisation, consommation, habitat, etc.)

Déplacements comme un mal nécessaire (demande dérivée)

Déplacements comme une stratégie pour répondre à des besoins et pouvant avoir une valeur ajoutée (p. ex. exercice physique, expérience)

Centrée sur la circulation routière

Centrée sur le déplacement des personnes

Centrée sur le transport motorisé

Incluant tous les modes de déplacement et privilégiant les modes à plus faible empreinte, en particulier les modes non motorisés, collectifs, partagés, légers et électriques

Prévision de la circulation routière (ingéniérie)

Prévision de la transformation de la forme urbaine, notamment de la densification, et de l’évolution des besoins de déplacement (aménagement du territoire et urbanisme)

Processus de planification des transports

Intégration de la planification du territoire (aménagement du territoire et urbanisme) et des transports (ingéniérie)

Changement modal (modes de transport)

Changement culturel (attitude citoyenne, pratiques de mobilité)

Changement minimal d’habitudes

Changements radicaux et systémiques des habitudes encouragés par un cadre favorable à la mobilité durable

Évaluation des coûts économiques

Analyses des coûts indirects et cumulatifs (p. ex. environnementaux et sociaux)

Sources: Vivre en Ville, inspiré de Bourdages et Champagne, 2012.

COMMENT FAVORISER LA MOBILITÉ DURABLE?

Implanter une politique globale de mobilité durable implique un changement de paradigme en transport: la notion d’accessibilité doit primer sur celle de fluidité des déplacements automobiles. C’est pourquoi les mesures en aménagement du territoire, pouvant réduire la dépendance à l’automobile, sont intrinsèquement liées à son déploiement. L’amélioration et la multiplication des différentes options de transport sont également au cœur des mesures favorisant la mobilité durable.

Pour être fructueuse, la mise en place d’une politique de mobilité durable doit s’effectuer avec des cibles claires et des indicateurs précis, et s’appuyer sur un ensemble de mesures structurantes dont les principes sont les suivants.

L’APPROCHE «RÉDUIRE — TRANSFÉRER — AMÉLIORER»

L’approche «Réduire  Transférer  Améliorer» est une approche globale qui permet de favoriser la mobilité durable et particulièrement de réduire la consommation d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports. Elle a été adoptée officiellement par la Politique de mobilité durable – 2030 du gouvernement du Québec (2018) et par d’autres organisations d’envergure dont le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Sakamoto et collab., cités dans Vivre en Ville et Équiterre, 2011).

L’approche est composée de trois stratégies, à mettre en place selon l’ordre de priorité suivant:

  1. Réduire les besoins en déplacements motorisés et diminuer leur distance;

  2. Transférer les déplacements vers les modes de transport à plus faible empreinte;

  3. Améliorer l’efficacité énergétique des véhicules.


Il est crucial de respecter l’ordre de priorité de ces stratégies en concentrant les efforts sur «Réduire» et «Transférer». Les deux premières stratégies ciblent en effet les aspects fondamentaux de la dépendance à l’automobile individuelle, notamment la croissance de la motorisation, l’augmentation de l’offre routière, l’éparpillement des activités et l’étalement urbain. Elles visent à modifier structurellement les conditions et les comportements de déplacement en misant sur la notion d’accessibilité. Elles induisent des changements durables et profonds, dont les bénéfices ne dépendent ni de la disponibilité d’une source d’énergie ni d’un choix technologique.

La stratégie «Transférer» n’est à utiliser qu’en dernier recours lorsque les stratégies «Réduire» et «Transférer» sont difficiles à mettre en œuvre comme c’est le cas pour le transport de marchandises par camion (Vivre en Ville, 2022). Pour ce qui est de l’électrification du parc automobile privé, les efforts devraient être avant tout concentrés sur la réduction des distances à parcourir et sur le développement d’alternatives à l’auto-solo plutôt que sur la simple transition vers un autre mode de combustion qui ne changera rien aux dynamiques délétères des déplacements en automobile (p. ex. pollution sonore, problèmes de sécurité, étalement urbain, sédentarité).

L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE POUR RÉDUIRE ET RACCOURCIR LES DÉPLACEMENTS MOTORISÉS

Le volet «Réduire» de l’approche «Réduire  Transférer  Améliorer» commande de revoir l’aménagement du territoire de façon à limiter les distances à parcourir et le besoin de recourir à des déplacements motorisés. En amont du développement de l’offre de transport, c’est en effet la façon de modeler les formes urbaines et de localiser les activités et destinations qui déterminent les besoins et les choix de déplacement.

La forme urbaine

La forme urbaine peut rapprocher les différentes activités et destinations les unes des autres et ainsi favoriser leur accessibilité, tout en rendant plus propice l’utilisation des modes de déplacement collectifs et actifs. La consolidation urbaine et la densification, plutôt que l’étalement urbain, sont ainsi les prérequis d’une mobilité durable. De nombreux éléments de la forme urbaine et de l’environnement bâti, incluant des éléments de design, sont également à même de favoriser plus spécifiquement le potentiel piétonnier d’un secteur.

Saint-Roch, Québec | Source: Vivre en Ville

Plusieurs dizaines d’études (GIEC, 2014; Tomer et George, 2023) concluent aux associations suivantes. Le kilométrage parcouru en voiture serait plus faible dans les secteurs caractérisés par:

  • une forte densité, surtout résidentielle ou combinant population et emplois;

  • la présence d’activités diversifiées (ou la mixité des activités);

  • un réseau de rues bien connecté, perméable et doté de trottoirs;

  • la proximité du centre-ville ou d’une autre centralité;

  • la présence d’une bonne desserte de transport en commun.

La localisation des activités

La localisation des activités urbaines (emplois, équipements, institutions, commerces) au cœur ou à proximité des milieux de vie et concentrées dans des pôles ou le long de corridors de transport collectif, plutôt qu’éparpillées en périphérie ou le long d’axes autoroutiers, favorise leur accessibilité et permet également la mise en place et l’utilisation de modes de déplacement durables.

Où se trouvent les activités du territoire, ainsi que celles que fréquentent les résidents en dehors de ce dernier: près du centre de l’agglomération, à proximité d’une concentration de population, en périphérie, le long d’un axe routier? Comment se répartissent-elles sur le territoire? Sont-elles dispersées ou regroupées, selon leur nature ou de manière mixte, de manière compacte ou peu dense? Sont-elles accessibles pour les différents secteurs de la collectivité et pour les différents modes? Les réponses à ces questions permettront d’évaluer les besoins en matière de mobilité, mais indiqueront également sur quels éléments de la localisation des activités travailler pour augmenter la part de déplacements par des modes de mobilité durable. Une activité bien localisée permet non seulement de favoriser les modes de mobilité, mais également de rendre le choix évident lorsqu’il est question pour une personne d’entreprendre un déplacement vers cette destination.

UNE OFFRE MULTIMODALE MISANT SUR LE TRANSPORT EN COMMUN STRUCTURANT

Le virage vers la mobilité durable implique une diminution de l’usage de l’auto-solo. Cette cible repose sur l’accès à une offre de transport diversifiée, combinant mobilité collective, mobilité active et autopartage, dans un cocktail multimodal qui réponde à l’essentiel des besoins de mobilité.

Le transport en commun structurant comme pilier

Dans une petite collectivité, la proximité est la meilleure stratégie de mobilité durable. Dès lors qu'avec le poids démographique, les distances à parcourir au quotidien augmentent, le recours aux modes de déplacement motorisés devient inévitable. Il est alors essentiel d’appuyer l'offre de transport sur un réseau structurant de transport en commun, pouvant desservir la population pour la majorité de ses déplacements quotidiens grâce à une desserte efficace (fréquence, capacité, amplitude horaire, rapidité). Le transport en commun en site propre, c’est-à-dire un système qui utilise un espace lui étant exclusif, est le plus à même de rivaliser avec l’efficacité de l’automobile puisqu’il est plus rapide et plus fiable et qu'il a une plus grande capacité que les lignes d’autobus traditionnelles, et même que les voies réservées. Le métro, le train, le tramway et le bus à haut niveau de service en sont des exemples (Équiterre et Vivre en Ville, 2011).

Station de métro Saint-Laurent, Montréal | Source: Vivre en Ville

La multimodalité et l’intermodalité

Favoriser les modes de déplacement durables implique de fournir des infrastructures et des aménagements sécuritaires, efficaces et confortables pour les piétons et les cyclistes, tout en assurant le maillage entre l’utilisation des différents modes. C’est une combinaison de possibilités de modes de déplacement qui finit par offrir une option valable alternative à l’automobile. Bien planifiée, l’intermodalité améliore l’efficacité des déplacements en optimisant le passage entre les différents modes en place. Elle optimise les équipements de transport en favorisant les synergies et améliore l’accessibilité pour les résidents en multipliant les possibilités de destinations, dans l’espace comme dans le temps.

À inclure comme complément dans l’offre multimodale de transport: le soutien à l’autopartage, considérée comme le chaînon manquant de la mobilité durable puisque la voiture demeure, dans la plupart des milieux, indispensable pour certains déplacements. L’autopartage permet de remplacer la possession d’une automobile par un accès permanent à celle-ci, partagée en propriété collective. Elle permet de diminuer le taux de motorisation, le recours à l’auto-solo et les impacts de l’utilisation de celle-ci à grande échelle (Tecsult, 2006).

UN RÉÉQUILIBRAGE DE LA PRIORITÉ ACCORDÉE AUX DIFFÉRENTS MODES DE DÉPLACEMENT

À une politique globale de mobilité durable est principalement opposée une politique du tout-à-l’automobile, soit l’établissement d’un système qui alloue la très grande majorité des ressources à l’automobile. Le déploiement de la mobilité durable n’implique donc pas simplement de bonifier l’offre multimodale, mais exige également de reconsidérer la part respective des efforts publics consentis pour les déplacements individuels motorisés versus les efforts consacrés pour favoriser les modes de déplacement plus durables.

Un rééquilibrage doit s’effectuer à la fois en matière:

  • d’espace urbain accordé aux différents modes de déplacement (actifs, collectifs, partagés, individuels motorisés), aussi bien pour leur circulation que pour leur stationnement;

  • de financement public des infrastructures de transport;

  • de vision de la sécurité, pour que les aménagements, les interventions, ainsi que les lois et les règlements assurent en priorité la sécurité des piétons et des cyclistes, en rupture avec une situation où la priorité est accordée à la fluidité des déplacements automobiles;

  • de norme sociale, pour passer d’une culture où la possession et l’utilisation régulière d’un véhicule motorisé individuel sont considérées comme la norme, à une culture où sont valorisés les modes de déplacement les plus durables et les plus bénéfiques pour la collectivité.


Références

BOUCHER, Isabelle, et Nicolas FONTAINE (2011). L’aménagement et l’écomobilité, Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable, Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire [PDF]. 232 p. (coll. Planification territoriale et développement durable).
BOURDAGES, Jade et Eric CHAMPAGNE (2012). «Penser la mobilité durable au-delà de la planification traditionnelle du transport», La mobilité urbaine durable: du concept à la réalité, VertigO, no. 11. [En ligne]
CCMM [CHAMBRE DE COMMERCE DU MONTRÉAL MÉTROPOLITAIN] (2010). Le transport en commun au cœur du développement économique de Montréal, CCMM [PDF]. 58 p.
CENTRE POUR UN TRANSPORT DURABLE (2002). Définition et vision du transport durable, Mississauga, Centre pour un transport durable. 5 p.
ÉQUITERRE et VIVRE EN VILLE (2011). Changer de direction: pour un Québec libéré du pétrole en 2030. Chantier Aménagement du territoire et transport des personnes, Équiterre et Vivre en Ville [PDF]. 124 p.
GIEC [GROUPE D'EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR L'ÉVOLUTION DU CLIMAT] (2014). Climate Change 2014: Mitigation of Climate Change - Working Group III Contribution to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge et New York, Cambridge University Press. 1454 p. [+ info]
QUÉBEC. MTQ [MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC] (2014). Stratégie nationale de mobilité durable, Québec, Gouvernement du Québec, Ministère des Transports du Québec [PDF]. 74 p.
QUÉBEC. OQLF [OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE] (2017). «Mobilité durable», Grand dictionnaire terminologique, Gouvernement du Québec. [En ligne]
QUÉBEC. MTQ [MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC] (2018). Politique de mobilité durable – 2030, Québec, Gouvernement du Québec, Ministère des Transports et de la mobilité durable du Québec [En ligne]. 74 p.
TOMER, Adie et Caroline GEORGE (2023). «Building for proximity: The role of activity centers in reducing total miles traveled», Brookings. [En ligne]
TECSULT (2006). Le projet auto+bus: Évaluation d’initiatives de mobilité combinée dans les villes canadiennes, Rapport, Montréal, Communauto et Transports Canada [PDF]. 248 p.
VIVRE EN VILLE et ÉQUITERRE (2017). Pour un Québec leader de la mobilité durable: l’urgence d'agir pour dépasser la dépendance à l'automobile, mémoire présenté dans le cadre de la consultation sur la Politique de mobilité durable [PDF]. 48 p.
VIVRE EN VILLE (2022). Électrification des transports en milieu urbain: outils pour planifier la transition vers les modes électriques dans une perspective de mobilité durable, Vivre en Ville [PDF]. 24 p. (coll. Passer à l’action).

Galerie photos

Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2018). Mobilité durable. Carrefour.vivreenville.org

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