Inondations: aménager des quartiers résilients
Apprenez comment les collectivités peuvent s’adapter aux risques liés aux inondations et inspirez-vous de projets concrets de quartiers rendus résilients.

L’urbanisation du Québec s’est largement développée à proximité des cours d’eau, conduisant à une forte occupation des plaines inondables. En conséquence, de nombreux milieux bâtis sont exposés aux inondations à des degrés divers. Dans un contexte de changements climatiques, la pérennité de ces secteurs devient de plus en plus incertaine. Pour faire face à ces défis, deux principales stratégies d’aménagement émergent en fonction du niveau de risque. Dans les zones où le risque est particulièrement fort, il peut être judicieux d’envisager le retrait de bâtiments et la relocalisation des personnes et des activités vers des secteurs moins exposés pour redonner davantage d’espace à l’eau. Dans les zones où le risque est plus acceptable, il peut être envisageable de concevoir ou de réaménager les milieux de vie afin de les rendre plus résilients face aux inondations.
Pourquoi s’intéresser aux quartiers résilients?
Dans la foulée de la modernisation de l’encadrement des zones inondables par le gouvernement du Québec, le réaménagement de certains milieux de vie situés dans ces zones peut être envisagé avec l’objectif double de maintenir ceux-ci en place et d’y réduire les risques.
De tels quartiers résilients face aux inondations existent, sous différentes formes, ailleurs dans le monde. Cet article expose des pratiques d’aménagement compatibles avec l’aléa mises en œuvre dans ceux-ci. Il constitue une ressource pour les collectivités québécoises qui souhaitent renforcer la résilience de quartiers situés dans des secteurs où le niveau de risque est considéré potentiellement compatible avec la présence de bâtiments. Les exemples mentionnés dans l’article sont détaillés dans le répertoire de cas inspirants de transformation de milieux de vie face aux inondations de Vivre en Ville.
La résilience face aux inondations comme composante d’une collectivité viable
L’intégration de la résilience dans l’aménagement du territoire peut être envisagée comme un levier de développement de collectivités viables. Une collectivité viable doit répondre aux besoins fondamentaux de sa population résidente, en plus de soutenir sa santé et sa qualité de vie. C’est un milieu de vie qui offre une diversité de services à sa population et qui peut se maintenir à long terme grâce à son mode de développement favorisant l’équité et une gestion écologique des ressources.
La résilience face aux inondations est l’une des composantes d’une collectivité viable. Elle renvoie à la capacité d’un système à maintenir ou à restaurer ses fonctions essentielles face à des perturbations, en s’adaptant aux effets des aléas auxquels il est exposé et en se transformant pour assurer un fonctionnement acceptable et durable (Meerow et collab., 2016, Québec. MAMH, 2022).
La résilience est un enjeu urbanistique comme le sont la disponibilité de logements répondant à nos besoins et aspirations, l’accessibilité des services destinés à répondre à nos besoins quotidiens, la capacité de se déplacer par différents modes pour différents motifs, ou la pérennité du patrimoine naturel et culturel. Rendre une collectivité résiliente exige donc d’appréhender globalement toutes ses composantes, que ce soit sa population, ses infrastructures, ses bâtiments ou ses espaces publics.
Lorsque survient l’inondation, un quartier résilient garantit la poursuite des activités essentielles et veille à ce que la population résidente puisse maintenir des conditions de vie décentes. À défaut de pouvoir répondre de manière optimale à ces deux objectifs, l’aménagement résilient facilite l’évacuation de la population et permet un retour rapide à ses activités habituelles. L’investissement nécessaire à la réalisation d’un aménagement résilient est toutefois plus facile à accepter s’il permet à la population d’en tirer des bénéfices complémentaires allant au-delà de la sécurité.
En pratique, l'aménagement résilient se traduit par une combinaison de pratiques déployées à différentes échelles spatiales (bâtiment, rue, espace public, quartier, agglomération, bassin versant). Les exemples internationaux démontrent qu’il peut être mis en œuvre au moment de la conception d’un nouveau quartier, ou lors d’opérations de réaménagement urbain pour adapter un milieu de vie existant.
HafenCity: aperçu d'un milieu de vie résilient en contexte urbain
HafenCity est un quartier du centre-ville d’Hambourg, en Allemagne, aménagé sur d’anciennes friches industrielles le long du fleuve Elbe. L’inondabilité du site a été intégrée dès la conception du projet urbain par l’édification du quartier au-dessus des plus hautes eaux connues. Les bâtiments sont élevés à plus de 7,5 mètres, soit sur des pieux, soit sur des monticules artificiels appelés terpen. Les rez-de-chaussée ne sont pas habitables et sont dédiés au stationnement ou à des commerces. En cas d’inondation, le quartier forme une île reliée au reste de la ville par un réseau de ponts surélevés. Les quais le long de l’Elbe sont généralement accessibles à la population pour la promenade, mais sont conçus pour être inondés en période de crue.
Surélévation des bâtiments parla méthode des terpen. Source: J. Franganillo, 2017.
Quais inondables et bâtiments épargnés. Source: Andrey Vyetoshkin.
Overdiepse: aperçu d'un milieu de vie résilient en contexte rural
Le polder d’Overdiepse, aux Pays-Bas, est un site historiquement gagné sur le cours d’eau pour y pratiquer l’agriculture. Dans le cadre du programme national Room for the river, le polder a été réaménagé afin de permettre à l’eau d’y circuler en cas de crue. Pour ce faire, la digue a été abaissée et les bâtiments des huit exploitations agricoles dont les propriétaires souhaitaient demeurer sur place ont été reconstruits sur des terpen. Les champs situés en contrebas peuvent être ponctuellement inondés. La route permettant d’accéder au polder et aux huit fermes est surélevée afin d’assurer la sécurité des déplacements en tout temps.
Champs inondables servant au pâturage. Source: Vivre en Ville, 2024.
Résidence et bâtiments de ferme surélevés par la méthode des terpen. Source: Vivre en Ville, 2024.
Cinq principes pour intégrer la résilience dans les pratiques d’aménagement
Selon le contexte, une panoplie de pratiques peuvent être mises en place pour minimiser la vulnérabilité d’un milieu de vie et mieux gérer l’aléa. Ces pratiques sont regroupées en cinq principes d’aménagement qui guident la lecture des cas présentés ci-dessous. La mise en œuvre de ces principes favorise la résilience face aux inondations, mais contribue aussi plus largement au développement de collectivités viables.
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Une localisation optimale: Un quartier résilient est pensé en lien avec son milieu d’insertion, notamment par une implantation stratégique favorisant une connexion avec le reste de la collectivité. En conformité avec les principes d’une collectivité viable, il favorise une utilisation optimale du territoire qui minimise ses impacts sur les milieux naturels. Il peut s’agir d’un quartier existant jouant un rôle structurant dans le tissu urbain, ou encore d’un nouveau quartier qui viendrait optimiser l’utilisation de terrains déjà artificialisés (dans le cas de la requalification d’un site industriel, par exemple).
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La résilience du réseau de déplacements: Les infrastructures de transport sont particulièrement vulnérables aux inondations. Pour garantir la sécurité et la continuité des déplacements en cas de crue, quel que soit le mode, un réseau de déplacements suffisamment fonctionnel en cas d’inondation apparaît comme essentiel.
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L’adaptation des bâtiments: Nombre de bâtiments subissent des dommages conséquents lors d’inondations. Un encadrement réglementaire plus rigoureux doit permettre de minimiser les dégâts matériels causés par une inondation et assurer la sécurité des personnes.
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La mise en valeur de l’eau et la sensibilisation de la population: Au-delà de l’adaptation physique du bâti et des infrastructures, la résilience est souvent associée à la notion de «vivre avec» l’eau. Cela implique une intégration paysagère de l’eau comme une composante à part entière du territoire. Valoriser l’eau peut faciliter la sensibilisation de la population au risque, en le rendant davantage visible.
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La multifonctionnalité des aménagements : Un quartier résilient peut miser sur des aménagements combinant plusieurs usages pour optimiser l’utilisation de l’espace et faire en sorte que les investissements réalisés pour minimiser les risques servent aussi d’autres objectifs. Par exemple, un parc public peut servir à stocker temporairement la crue, et un ouvrage de protection peut servir de lieu de promenade.
Cas inspirants d’intégration des principes de résilience dans des projets de quartiers résilients en zone inondable
Le répertoire de cas inspirants Résilience face aux inondations de Vivre en Ville recense divers exemples de collectivités engagées dans la transformation de leurs milieux de vie exposés aux inondations. Cet article présente cinq études de cas internationales pour inspirer les collectivités québécoises souhaitant réaménager des milieux bâtis en zone inondable.
Quartier Matra, Romorantin-Lanthenay, France
Le quartier Matra a été aménagé sur d’anciennes friches industrielles situées en zone inondable. Conçu comme un affluent temporaire de la rivière Sauldre en cas de crue, le quartier, achevé en 2016, fonctionne en adéquation avec les dynamiques naturelles du cours d’eau.
Interventions dans le cadre du projet du quartier Matra. Source: Vivre en Ville, 2024.
- Une localisation optimale: Après la fermeture des usines Matra en 2003, la Ville disposait de six hectares de terrains vacants, stratégiquement situés dans le centre-ville sur les rives de la Sauldre. Un projet de requalification a permis de transformer ces anciennes friches en un quartier résidentiel, bien connecté au reste de la ville.
- La résilience du réseau de déplacements: La trame viaire du quartier a été surélevée à 1,5 mètre, soit 30 centimètres au-dessus des plus hautes eaux connues par mesure de précaution, facilitant l'accessibilité piétonnière même en cas de crue.
Trottoirs surélevés accessibles malgré la crue de 2016. Source: Éric Daniel-Lacombe, 2016
- L’adaptation des bâtiments: Les nouveaux bâtiments ont été érigés sur des pilotis à plus de 1,5 mètre de hauteur. L’emprise au sol des bâtiments est ainsi limitée à 20% de la surface de la parcelle, de manière à respecter le principe de transparence hydraulique impliquant de ne pas faire obstacle à l’écoulement de l’eau. Les rez-de-chaussée des immeubles d’habitation, inondables, sont dédiés au stationnement. Au premier étage des habitations, des plateformes d’accostage pour les services d’urgence ont été créées afin de rendre l’évacuation possible en cas de crue extrême.
Maisons construites sur pilotis. Source: France Villes et Territoires Durables.
Maisons sur pilotis épargnées lors de la crue de 2016. Source: Éric Daniel-Lacombe, 2016.
- La mise en valeur de l’eau et la sensibilisation de la population: Le risque est rendu visible par la création d’un jardin municipal au cœur du quartier qui sert de bassin de rétention de l’eau et de nouveau lit pour la rivière en cas de crue. Cet aménagement permet de guider le cheminement de l’eau durant la crue et la décrue.
Le jardin de Sologne, un parc public en période normale. Source: Éric Daniel-Lacombe.
Le jardin de Sologne, un bassin de rétention en période de crue. Source: Éric Daniel-Lacombe, 2016.
- Autres types d’adaptation: Le quartier résidentiel a été aménagé sur un ancien site industriel, dont certains bâtis ont été conservés pour leur caractère patrimonial. Ces édifices ont été renforcés par une consolidation de leurs fondations avec de la pierre dure.
Quartiers Chesterfield Heights et Granby Village, Norfolk, États-Unis
Dans deux quartiers côtiers de la ville, qui est traversée par la rivière Elizabeth, des infrastructures vertes et grises ont été aménagées pour réduire leur vulnérabilité face aux inondations, améliorant du même coup la résilience du territoire et le cadre de vie de la population résidente. Ces opérations s’intègrent dans le Ohio Creek Watershed Project achevé en 2023.
Interventions dans le cadre du Ohio Creek Watershed Project. Source: Vivre en Ville, 2024.
- Une localisation optimale: Les quartiers Chesterfield Heights et Granby Village sont deux quartiers résidentiels situés au sud de Norfolk. Ils sont délimités au nord par un axe autoroutier et au sud par la rivière Elizabeth. Les aménagements réalisés ont notamment permis de renforcer l’interconnexion des deux quartiers.
- La résilience du réseau de déplacements: Une nouvelle route surélevée a été construite et certaines portions de routes existantes ont été rehaussées. Le revêtement asphalté et bétonné de l’avenue Marlboro a été remplacé par des pavés perméables favorisant l’infiltration de l’eau dans le sol. Sur la voirie, des noues végétalisées ont également été créées pour favoriser l’infiltration des eaux pluviales.
La Marlboro Avenue en pavés perméables et les noues végétalisées sur le trottoir. Source: Google Street View, 2023.
- La multifonctionnalité des aménagements: Le Resilience Park, un espace public polyvalent comprenant des milieux humides a été aménagé et permet de connecter les deux quartiers. Le rivage a été réaménagé en un «littoral vivant», composé d’éléments naturels tels que des plantes et des roches, faisant office de zone tampon naturelle contre les mouvements des marées et offrant des lieux de promenade.
Le Resilience Park, un parc public polyvalent et résilient. Source: Ville de Norfolk, 2020.
Aménagement d’infrastructures grises et vertes et d’espaces publics dans deux quartiers côtiers. Source: WPA, 2021.
- Autres types d’adaptation: Des solutions de génie civil ont également été introduites, à la fois en surface et en souterrain. Une berme a été construite et adaptée pour résister à une crue centennale et à une élévation du niveau de la mer de 76 centimètres. Un mur anti-inondation bétonné doté d’écluses a également été créé pour réguler le débit des marées. Certaines canalisations ont été remplacées et deux nouvelles stations de pompage ont été construites pour gérer les eaux pluviales.
Kokkedal, Fredensborg, Danemark
La Ville de Fredensborg, bordée par la mer Baltique, a entrepris en 2012 un projet d’adaptation aux changements climatiques dans un de ses quartiers. Le projet intègre un important volet sur la gestion des risques liés aux inondations par ruissellement et par débordement de la rivière Usserød, tout en cherchant à améliorer la qualité de vie de sa population et renforcer la cohésion sociale.
- Une localisation optimale: Le projet a été mis en œuvre dans une zone résidentielle caractérisée par des logements collectifs et sociaux, entourée de secteurs d’habitats pavillonnaires et bordée par la rivière Usserød. Les aménagements mis en place ont notamment permis de renforcer les connexions entre les différents quartiers ainsi que l’identité de Kokkedal en lien avec la rivière.
- La mise en valeur de l’eau et la sensibilisation de la population: La gestion de l’eau a été repensée pour la rendre en partie visible à travers la ville depuis les bassins de rétention où elle est collectée jusqu'à son cheminement dans des canaux de drainage vers la rivière. Ceux-ci sont toutefois enfouis au niveau des routes. Ce système est non seulement fonctionnel, mais aussi esthétique et éducatif, permettant aux résidentes et résidents de mieux comprendre le parcours de l’eau, autrefois entièrement canalisé. Un réseau de passerelles permet également de serpenter dans les milieux riverains.
Le chemin de l’eau à ciel ouvert. Source: Realdania.
La valorisation de la rivière et des milieux riverains. Source: Realdania.
- La multifonctionnalité des aménagements: Pour prévenir les risques liés aux inondations et aux refoulements d’égout, la capacité de rétention de l’eau a été améliorée grâce à des aménagements paysagers multifonctionnels. Trois espaces publics - un espace vert, un terrain de sport et une aire de jeux - ont été aménagés pour servir de bassins de rétention lors de fortes pluies, tout en répondant aux besoins récréatifs de la population. Ce système permet de gérer et retenir les eaux de pluie au plus près de là où elles tombent pour éviter que l’eau ne ruisselle trop vite jusqu’à la rivière et alimente son niveau d’eau, causant des inondations.
Espaces de jeux résilients. Source: Carsten Ingemann
Quartiers des Rives du Bohrie, Ostwald, France
Le quartier des Rives du Bohrie, situé dans la plaine d’inondation de l’Ostwaldergraben, un affluent de la rivière Ill, a été planifié en 2009 en tenant compte de son caractère inondable.
Interventions dans le cadre de l’aménagement du quartier des Rives du Bohrie. Source: Vivre en Ville, 2024.
- Une localisation optimale: Les Rives du Bohrie est un écoquartier construit sur des friches agricoles à l’ouest du territoire d’Ostwald, conçu pour accueillir 3000 personnes. Sa vocation est de devenir une nouvelle centralité d’Ostwald, combinant des activités résidentielles et commerciales avec des équipements publics (école, garderie, centre sportif). Le quartier a été pensé pour favoriser une connexion avec le reste de la ville: le bus et le tramway passent à proximité, tandis que des sentiers pédestres et des pistes cyclables ont été aménagés.
- L’adaptation des bâtiments: Certains îlots de bâtiments sont construits sur des plateformes surélevées à plus d’un mètre au-dessus d’une prairie inondable, tandis que d’autres immeubles d’habitation ont été érigés sur des pilotis.
Ensemble d’habitations élevé sur une plateforme au-dessus d’une prairie. Source: Jourda Architectes Paris.
Bâtiment édifié sur pilotis. Source: Jourda Architectes Paris.
- La mise en valeur de l’eau et la sensibilisation de la population: Le quartier est conçu pour mettre en valeur la présence de l’eau, avec 30% de sa superficie réservés à l’urbanisation. Il intègre la présence saisonnière de l’eau par l’aménagement de zones naturelles telles que des prairies humides, un réseau de mares, des jardins de pluie, et des noues enherbées. Ces zones servent à l’expansion des eaux en crue et forment une trame verte et bleue. Les berges de l’étang du Bohrie sont aménagées en lieu de promenade.
Perspective sur l’étang du Bohrie. Source: Jourda Architectes Paris.
Valorisation des zones humides. Source: Linder Paysage.
Sentier de promenade autour de l’étang du Bohrie. Source: Linder Paysage.
Les jardins du Nouvel’R, Saint-Pierre-des-Corps, France
En 2013, dans le cadre d’une opération de réaménagement urbain en zone inondable, un ensemble d’habitations du territoire de Saint-Pierre-des-Corps a été construit en tenant compte de l’inondabilité du site et a fait l’objet d’aménagements paysagers pour favoriser une cohabitation avec l’eau.
Localisation des Jardins du Nouvel’R à Saint-Pierre-des-Corps. Source: Google Earth, 2020.
- Une localisation optimale: Les jardins du Nouvel’R sont situés dans la commune de Saint-Pierre-des-Corps, dont la trame urbaine est en continuité directe de celle de la ville de Tours. Ils ont été aménagés dans le cadre d’une démarche de requalification urbaine sur deux hectares.
- La résilience du réseau de déplacements: Un réseau de passerelles relie les bâtiments entre eux. Des coursives extérieures ont également été installées pour permettre l’accès et la sortie des logements.
Coursives reliant les habitations entre elles. Source: David Desaleux.
- L’adaptation des bâtiments: Les habitations ont été surélevées sur des pilotis, permettant de limiter l'artificialisation au sol et faciliter l’écoulement de l’eau, selon le principe de transparence hydraulique. Les rez-de-chaussée servent principalement d’aire de stationnement. Toutes les parties habitables sont situées au-dessus des plus hautes eaux connues et les logements doivent disposer de «combles» aménagés sous les toits servant d’espace refuge en cas d’inondation.
Habitations élevées sur pilotis. Source: Alain Gourdon Architecte.
Combles intégrés aux bâtiments. Source: Google Street View, 2022.
- La mise en valeur de l’eau et la sensibilisation de la population: Les espaces entre les bâtiments sont légèrement creusés et végétalisés, facilitant la collecte et l’infiltration des eaux pluviales dans le sol. Des événements artistiques axés sur les inondations ont été organisés, ainsi que des conférences sur la problématique de la gestion des inondations, rassemblant environ 600 personnes. Ces différents éléments contribuent à la sensibilisation de la population au risque.
Synthèse des pratiques d'aménagement
Principes
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Objectifs | Exemples de pratiques d'aménagement |
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Localisation optimale |
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Consolidation ou requalification de sites déjà artificialisés et insérés dans la trame urbaine existante |
Connexion du quartier aux réseaux de déplacements de l’ensemble de l’agglomération, notamment les transports collectifs et les déplacements actifs |
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Résilience du réseau de déplacements |
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Trame viaire surélevée |
Réseau de coursives/passerelles en hauteur |
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Adaptation des bâtiments |
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Hiérarchisation horizontale des activités dans l’espace selon la topographie et le niveau de vulnérabilité - occupation des zones les plus exposées par des activités moins vulnérables tels que les espaces verts |
Hiérarchisation verticale des activités selon le niveau de vulnérabilité au sein du bâtiment - occupation des rez-de-chaussée par des usages moins vulnérables tels que le stationnement ou le commerce |
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Élévation des fondations |
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Surélévation des surfaces habitables |
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Mise en valeur de l’eau et sensibilisation de la population |
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Espaces de stockage des eaux à ciel ouvert (noues, bassins, jardins de pluies, etc.) |
Repères de crues, installations artistiques, signalétique pédagogique |
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Multifonctionnalité des aménagements |
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Espaces publics à double vocation de gestion des eaux de pluie (en période de précipitations) et de loisirs (en période sèche) |
Espaces récréatifs riverains inondables |
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Espaces verts favorables à la biodiversité et au maintien des services écologiques |
Enseignements
Les cas présentés mettent en évidence la diversité des approches pour créer des quartiers résilients adaptés à chaque contexte local. Certains points méritent toutefois d’être davantage considérés:
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La résilience des réseaux techniques (câbles électriques, conduites de gaz, d’eau, d’assainissement, etc.) est peu documentée dans les cas étudiés. Pourtant, ils peuvent être fortement impactés par les crues, entraînant des dysfonctionnements ayant d’importantes conséquences sur la sécurité et la qualité de vie. Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour réduire la vulnérabilité de ces réseaux, comme la mise hors d’eau des équipements sensibles, la diversification des modes de distribution, l’amélioration de la robustesse, etc.
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L’aménagement d’un quartier résilient peut être l’occasion de restructurer une trame urbaine existante, mais ne devrait pas conduire à la perte des milieux naturels déjà existants. Par conséquent, la consolidation du tissu urbain et la requalification de sites déjà artificialisés devraient être privilégiés.
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Plusieurs des pratiques mises en œuvre relèvent de compétences partagées entre la municipalité et d’autres parties prenantes (offices d’habitation, promoteurs immobiliers, organismes de conservation des milieux naturels, organismes de développement touristique, etc.), ce qui souligne l’importance d’une vision partagée par l’ensemble des intervenants impliqués.
À retenir:
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L’aménagement d’un quartier résilient fait appel à une démarche de planification intégrée, permettant d’envisager la résilience face aux inondations comme l’une des multiples composantes d’un milieu de vie durable et de qualité.
Références
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Projet «Vers une planification intégrée des milieux de vie bâtis et des zones inondables»
Ce projet est réalisé grâce à l'aide financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.
VIVRE EN VILLE (2024). Inondations : aménager des quartiers résilients. Carrefour.vivreenville.org.
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Date de publication 6 novembre 2024Date de mise à jour 27 février 2025
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