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Rue à sens unique

Le sens unique est une méthode de gestion de la circulation rendue populaire parallèlement à l’essor de l’automobile. La pertinence de cette méthode dépend surtout du contexte et des objectifs recherchés. Si elle peut être utilisée à des fins profitant à la fluidité de la circulation automobile telles que la réduction des conflits d’usage entre les automobilistes, l’accroissement de l’offre de stationnement et la facilitation de certains virages, elle peut également être mobilisée pour limiter l’espace dédié à la circulation véhiculaire et rééquilibrer la place disponible pour les différents modes, ou encore réattribuer de l’espace pour d’autres utilisations de l’espace public, tel que le verdissement.

Source : Google Streetview

En dépit de ces avantages potentiels, les rues à sens unique sont associées à différents problèmes. Pour les déplacements véhiculaires elles peuvent entraîner des vitesses plus élevées et un allongement des distances parcourues. Elles peuvent également créer des contraintes importantes pour le transport en commun ou les déplacements cyclables, tandis que les avantages sont mitigés pour les personnes qui se déplacent à pied.

Une mesure bénéficiant surtout aux déplacements motorisés

Historiquement, l'étroitesse de certaines rues a dicté la mise en place de certains sens uniques. C’est cependant pour des questions liées à la gestion de la circulation que la majorité des rues à sens unique ont été aménagées en Amérique du Nord. La conversion de rues à double sens en rues à sens unique visait à faire face à une congestion croissante et à une forte demande pour des déplacements rapides. Ainsi, un nombre important de sens uniques ont été aménagés pour répondre aux objectifs suivants: 

  • augmenter la fluidité de la circulation (Michell et Parker, 1992) et en faciliter la régulation par des feux synchronisés;

  • réduire le nombres de conflits et de collisions entre véhicules (Harwood, 1990); 

  • maximiser l’espace de stationnement sur rue sans perdre de capacité routière; ou encore,

  • faciliter la gestion des livraisons sur rue (pour les rues de plus d’une voie).

Généralement, la mise en place de sens uniques s’effectue soit par paire pour répondre à un enjeu ponctuel (de fluidité, par exemple), ou en alternance à l’échelle d’un quartier ou d’une ville.

Dans d’autres contextes, le recours à des rues à sens unique est une manière de limiter la circulation de transit, pour la canaliser sur certaines voies. Dans ces cas-là, les sens uniques peuvent être limités à certains tronçons, et aménagés de manière opposés, créant ainsi des intersections convergentes ou divergentes. 

Trois types d'intersection de rues à sens uniques | Source : Vivre en Ville

Toutefois, la présence de sens uniques est également associée à des contraintes de déplacement pour les véhicules motorisés:

  • l’allongement des distances à parcourir (pouvant effacer les gains en capacité et en vitesse) de 20 à 50 % (Walker, Kulash et McHugh, 2000);

  • l’augmentation du nombre de virages de 20 à 60 % (Walker, Kulash et McHugh, 2000);

  • la difficulté d’accès et d’orientation, en particulier pour personnes non habituées;

  • l’allongement des temps de réaction des véhicules d’urgence.

Des avantages nuancés pour les déplacements à pied

Note : les effets des sens uniques sur la sécurité des déplacements actifs sont moins documentés et de nombreux paramètres, notamment sociaux, peuvent influencer les données.

La réduction du nombre de conflits aux intersections, fréquemment présentée en faveur des sens uniques, est également utilisée pour prouver que les sens uniques sont plus sécuritaires pour les piétons, notamment parce que les différents usagers n’ont pas à surveiller les deux directions. Cette diminution des conflits s’effectue toutefois davantage en faveur des véhicules que des piétons. L'image qui suit présente une baisse de 62,5 % pour les véhicules, alors qu'elle est de 37,5 % pour les piétons, entre les cas A et B. Entre les cas A et C, la diminution est respectivement de 25 % et de 12 %.

Conflits potentiels selon les types d'intersections | Source : Vivre en Ville, inspiré de Gayah, 2012

Si cette réduction du nombre de conflits à une intersection donnée peut paraître intéressante, certaines nuances s'imposent:

  • l'allongement des trajets et l’augmentation du nombre de virages associés à la présence de sens uniques induisent une hausse des conflits ailleurs sur le réseau;

  • l’augmentation des vitesses et des débits qui découlent généralement de la mise en place de sens uniques peut amplifier la gravité des collisions et réduire la convivialité pour les piétons et les cyclistes;

  • les virages à gauche facilités risquent d’augmenter le nombre et la gravité des collisions entre automobiles et piétons (Wazana et collab., 2000; Viola, Roe et Shin, 2010);

  • la mise en place de sens uniques crée de nombreuses variations dans les possibilités d’interactions entre les piétons et les automobilistes. Lorsque toutes les intersections sont formées de deux rues à double sens, un piéton n'a que deux cas de figure à envisager, incluant quatre conflits potentiels, peu importe la branche franchie. Inversement, l’introduction d’une rue à sens unique fait naître une importante diversité de types d’interactions ou de points de conflit possibles: huit situations, dès l’ajout d’une rue à sens unique dans un réseau de rues à double sens (Walker, Kulash et McHugh, 2000).

Diversité de types d’interactions ou de points de conflit possibles à des intersections en fonction du type de rue  | Source : Vivre en Ville, inspiré de Walker, Kulash et McHugh, 2000 

En dehors des intersections, il existe peu d’avantages liés aux sens uniques pour les personnes qui se déplacent à pied. Au contraire, l’augmentation potentielle de la vitesse de circulation peut nuire à la qualité et à la sécurité des rues. Toutefois, dans le cas de rues étroites, où les vitesses et le débit de circulation sont limités, un sens unique peut faciliter les traversées spontanées, particulièrement sur les rues partagées.  

Un casse-tête pour le transport en commun

Un transport en commun bidirectionnel est préférable pour assurer une desserte optimale (Global Designing Cities Initiative, s.d.) et faciliter la compréhension du réseau (NACTO, 2012). 

Bien qu’une ligne de transport en commun où les véhicules circulant dans chaque direction n’empruntant pas la même voie semble mieux desservir un secteur, il s’agit là d’une desserte apparente uniquement. En effet, pour une distance de marche donnée, seule la portion où se chevauchent les zones desservies par les deux directions est réellement accessible (Walker, 2012). 

Si cette situation est inévitable, les deux voies empruntées devraient être le plus rapprochées possible l’une de l’autre. Dans certains cas, une voie dédiée au transport en commun à contre-sens de la circulation automobile est une solution pour assurer une liaison directe et efficace (NACTO, 2012).

Voie dédiée au transport en commun à contre-sens de la circulation automobile à San Francisco | Source : NACTO

Des accommodements nécessaires pour les cyclistes

Selon Vélo Québec (2009, p. 83), « [u]ne rue à double sens de circulation est toujours préférable parce qu’elle limite la longueur des déplacements autant pour les cyclistes (efforts) que pour les autos (sécurité, énergie, pollution, bruit). La mise à sens unique d’une rue n’a pas de conséquence sur les piétons qui peuvent continuer de circuler dans les deux sens alors que les cyclistes voient leurs trajets allongés. Il est possible de remédier à cette situation en instaurant un double sens cyclable, où la circulation des cyclistes est permise dans les deux sens alors que les véhicules vont à sens unique. »

La mise en place d'un contresens cyclable augmente toutefois le potentiel de collisions entre cyclistes et automobilistes, lesquels peuvent être surpris par l'apparition de vélos aux intersections. Il faut donc les utiliser avec parcimonie, de préférence où la densité d'intersection est plus faible (NACTO, 2012;  Québec. INSPQ, 2009).

Piste cyclable bidirectionnelle sur une rue à sens unique, rue Rouen, Montréal | Source : Vivre en Ville 

Des risques pour le dynamisme commercial

Une part importante de l’achalandage de nombreuses rues commerciales, notamment dans les centres urbains, est générée par les déplacements actifs ou les transports collectifs. La sécurité et la convivialité des espaces publics devraient donc être des priorités pour assurer la qualité de ces milieux. À cet effet, les rues à double sens apparaissent plus appropriées, car elles assurent généralement une plus grande animation et diminuent les vitesses véhiculaires.

Alors que la facilité d’accès en automobile et la visibilité depuis la rue constituent, aux yeux de nombreux acteurs, des aspects clés du dynamisme commercial, particulièrement dans les milieux de faible densité et dépendants de l’automobile, les rues à sens unique apparaissent donc associées à des inconvénients lorsque comparées aux rues à double sens:

  • la déviation d’une partie importante de la circulation véhiculaire de passage;

  • des vitesses de circulation plus élevées;

  • moins d’attention requise de la part des conducteurs;

  • la visibilité dans une seule direction des commerces ayant pignon sur rue;

  • une dégradation potentielle de l’échelle humaine de la rue et de l’ambiance qui y est associée;

  • une accessibilité réduite pour la clientèle en raison des détours.

Une solution à éviter systématiquement?

Puisqu’elles sont principalement destinées à favoriser la circulation automobile, les rues à sens unique sont souvent une solution discutable dans une approche de mobilité durable, particulièrement dans les centralités où les modes de déplacement actifs et collectifs devraient être privilégiés.

Malgré les inconvénients présentés ci-dessus, le recours à des rues à sens unique peut toutefois s’avérer adéquat si cela: 

  • n’augmente pas la capacité routière ou les vitesses des véhicules;

  • n’affecte pas la qualité ou la desserte en transport en commun;

  • permet une répartition plus équilibrée de l’espace public (espaces piétonniers plus généreux, verdissement accru, etc.)

Ainsi des rues à sens uniques pourront notamment s’inscrire de manière cohérente et peu dommageable: 

  • sur des rues résidentielles étroites, n’accueillant pas de parcours de transport en commun; 

  • dans une trame de rues où les intersections sont fréquentes et, où les sens uniques peuvent être offerts en alternance sur des rues proches et parallèles; 

  • en association éventuelle avec des accommodements pour les déplacements à vélo (contresens cyclables).


Références

EHRENHALT, Alan (2009). « The Return of the Two-Way Street: Why the double-yellow stripe is making a comeback in downtowns », Governing the Future of States and Localities. [En ligne]
GAYAH, Vikash V. (2012). « Two-Way Street Networks: More Efficient than Previously Thought? », ACCESS, n° 41, p. 10‑15. [PDF]
GLOBAL DESIGNING CITIES INITIATIVE (s.d.). « Contraflow Lanes on One-Way Streets », Global Street Design Guide. [En ligne] (consulté le 11 mars 2024).
HARWOOD, Douglas W. (1990). Effective Utilization of Street Width on Urban Arterials, National Cooperative Highway Research Program Report 330, Washington, D.C., Transportation Research Board – National Research Council, 49 p.
MICHELL, Richard H., et Roy A. PARKER (1992). « Traffic Regulations », dans Traffic Engineering Handbook, sous la dir. de James L. Pline, 4e édition, Englewood Cliffs (NJ), Prentice Hall inc., p. 329‑359.
NACTO [NATIONAL ASSOCIATION OF CITY TRANSPORTATION OFFICIALS] (2012). Urban Bikeway Design Guide, National Association of City Transportation Officials [+info].  260 p. 
QUÉBEC. INSPQ [INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC] (2009). Les aménagements cyclables: un cadre pour l’analyse intégrée des facteurs de sécurité, Gouvernement du Québec [PDF]. 101 p.
URBAN KCHOSE (2016). « The case of one-way streets », Urban Kchose. [En ligne]
VÉLO QUÉBEC (2009). Aménagements en faveur des piétons et des cyclistes: guide technique, Vélo Québec [+info]. 168 p. 
VIOLA, Rob, Matthew ROE et Hyeon-Shic SHIN (2010). The New York City Pedestrian Safety Study and Action Plan, New York, New York City Department of Transportation [PDF]. 48 p.
WALKER, G. Wade, Walter M. KULASH et Brian T. MCHUGH (2000). « Downtown Streets: Are We Strangling Ourselves on One-Way Networks? », dans Transportation Research Board E‐Circular: Number E‐C019, Actes du Urban Street Symposium, Dallas, Texas, 28 au 30 juin 1999 [PDF]. p. F2/1‑F2/18.
WALKER, Jarrett (2012). « One-way splits as symbolic transit », Human transit. [En ligne] (consulté le 11 mars 2024).
WAZANA, Ashley, et collab. (2000). « Are Child Pedestrians at Increased Risk of Injury on One-way Compared to Two-way Streets? », Canadian Journal of Public Health, vol. 91, n° 3, p. 201‑206.

Galerie photos


Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2013). Rue à sens unique. Carrefour.vivreenville.org

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