Planifier les infrastructures naturelles
Comment en optimiser les bénéfices pour la santé?Les infrastructures naturelles fournissent une multitude d’avantages pour les collectivités. Ces retombées varient cependant selon les caractéristiques des infrastructures, comme leur taille ou leur localisation. Comprendre ces particularités permet alors de mieux planifier leur déploiement pour en optimiser les bénéfices.

Choisir les infrastructures naturelles pour des milieux de vie en santé, aujourd’hui et demain
Les infrastructures naturelles forment un réseau d’espaces verts et bleus, naturels (boisés, prairies, milieux humides, lacs et cours d’eau, etc.) et aménagés (parcs, jardins et potagers urbains, terres agricoles, noues végétalisées, etc.) qui soutiennent la vie d’espèces animales et végétales indigènes, les processus écologiques, la qualité de l’air et de l’eau, et qui contribuent à la santé humaine et la qualité de vie. Les avantages que fournissent les infrastructures naturelles aux collectivités sont appelés «services écosystémiques».
Des retombées multiples pour la santé des collectivités
Ces services bénéficient directement ou indirectement à la santé et au bien-être de la population (Vivre en Ville, 2022):
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Les infrastructures naturelles participent à favoriser un mode de vie physiquement actif, en créant un environnement plus agréable pour les déplacements actifs et en offrant des espaces de pratique d’activités physiques et de plein air.
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Elles soutiennent le bien-être mental et social, en réduisant le stress et l’anxiété et en contribuant à créer des espaces de socialisation agréables.
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Elles contribuent à réduire les risques environnementaux et à développer la résilience des collectivités, notamment en améliorant la qualité de l’air, le confort thermique et la gestion des eaux pluviales.
Un parc réaménagé pour faire face aux inondations par ruissellement. Source: Vivre en Ville.
Une mesure d’adaptation incontournable
Ce dernier bénéfice pour la santé est indissociable du contexte de crise climatique, alors que les événements météorologiques s’intensifient et se multiplient. Les infrastructures naturelles constituent en ce sens un véritable investissement pour la santé de la population:
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D’une part, elles sont reconnues comme des stratégies efficaces pour contribuer à l’adaptation aux changements climatiques (Fondation David Suzuki, 2015). On estime que chaque dollar investi pour des mesures d’adaptation offre un retour de 13 à 15 dollars à travers les économies réalisées et les avantages générés (Institut climatique du Canada, 2022).
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D’autre part, en comparaison aux infrastructures grises équivalentes, elles permettent de poursuivre plusieurs objectifs et de générer des retombées multiples et multisectorielles: amélioration de la santé et de la résilience des collectivités, mais aussi préservation et rétablissement des écosystèmes, création de milieux de vie de plus grande qualité, etc.
Les infrastructures naturelles ne sont donc pas une composante banale de l’aménagement des milieux de vie: elles contribuent à les adapter activement aux changements globaux en cours et à les rendre plus favorables à la santé et au bien-être des collectivités, aujourd’hui et dans le futur.
Optimiser ces investissements pour garantir qu’ils profitent à tout le monde implique cependant de comprendre et de considérer dans la planification les particularités propres à ce type d’infrastructures.
Comprendre les particularités des infrastructures naturelles pour mieux les planifier
Les infrastructures naturelles s'appuient sur le fonctionnement des écosystèmes, qui fournissent des bénéfices grâce à leurs fonctions écologiques, soit leur structure et les processus biophysiques qui les régissent. Il existe une variété de types d’infrastructures naturelles, mobilisant différentes fonctions écologiques. Bien qu’elles soient toutes en mesure de fournir plusieurs effets positifs à la fois, chaque type d’infrastructure ne génère pas le même bouquet de bénéfices, et ceux-ci ne sont pas accessibles de la même façon.
Différentes modalités d’accès aux bénéfices
Selon leurs fonctions écologiques, les infrastructures naturelles génèrent des retombées diverses, auxquels les personnes ont accès de différentes façons:
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Bénéfices fournis par une exposition visuelle ou physique à des infrastructures naturelle (p. ex. effet réparateur de la vue de végétation depuis son logement, îlot de fraîcheur dans une rue arborée);
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Bénéfices découlant d’une activité nécessitant une utilisation spécifique d’une infrastructure naturelle, le plus souvent in situ (p. ex. lien social favorisé dans un environnement agréable, activité physique permise par un parc, production alimentaire dans un jardin partagé);
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Bénéfices fournis de manière passive et parfois ex situ par une infrastructure, sans être recherchés spécifiquement par ses bénéficiaires, mais néanmoins essentiels (p. ex. gestion de l’eau pluviale, régulation des inondations, filtration de l’air).
Ces modalités d’accès ne sont par ailleurs pas exclusives. Une même infrastructure peut fournir des avantages qui seront accessibles de façons multiples.
Des bénéfices de qualité et à portée variables
Au-delà de ses fonctions écologiques, chaque infrastructure naturelle présente d’autres caractéristiques spécifiques, comme sa localisation, ses modalités de conception et son envergure. Selon ces paramètres, les retombées d’une infrastructure naturelle, leur qualité et leur portée peuvent varier:
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Certains bénéfices ont une portée locale et immédiate (p. ex. le rafraîchissement par évapotranspiration et par ombrage), tandis que d’autres ont une portée systémique et diffuse (p. ex. la promotion des saines habitudes de vie).
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Une même infrastructure peut générer tout à la fois des effets de portées variables, à une échelle locale, à l’échelle d’un quartier ou à l’échelle d’un bassin versant. Par exemple, un parc éponge aménagé et arboré produit un effet sur la santé mentale et un îlot de fraîcheur à échelle locale, mais contribue aussi à sécuriser un quartier en aval contre les inondations par ruissellement et à améliorer la qualité de l’eau dans le bassin versant.
En somme, les caractéristiques spécifiques des infrastructures naturelles complexifient parfois leur planification, mais en font une solution particulièrement prometteuse. Lorsqu’on planifie le déploiement d'infrastructures naturelles, il faut donc considérer:
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qu’elles s’appuient sur les fonctions écologiques, et donc sur le vivant, en particulier sur le végétal;
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qu’elles peuvent remplir plusieurs rôles et fournissent plusieurs avantages à la fois;
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qu’elles ne fournissent pas toutes les mêmes bénéfices, et que leur portée et leur accessibilité sont différentes selon chaque bénéfice.
Planifier les infrastructures naturelles comme une composante à part entière des milieux de vie
Pour guider le déploiement des infrastructures naturelles dans les milieux de vie, les municipalités gagnent à mettre en place des stratégies gagnantes pour :
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déployer optimalement les infrastructures naturelles dans les milieux de vie;
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multiplier intentionnellement leurs retombées;
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en faire bénéficier aux personnes qui en ont le plus besoin;
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s’assurer de leur résilience;
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profiter des avantages des infrastructures naturelles dès que possible.
Ces principes s'appliquent particulièrement aux infrastructures naturelles de proximité. Leur planification est cependant indissociable de la conservation des milieux naturels et de la création d’infrastructures naturelles plus larges ou ciblant d’autres milieux.
Pour déployer optimalement les infrastructures naturelles dans les milieux de vie
Une ruelle végétalisée qui mène à une école. Source: Vivre en Ville.
Chaque infrastructure rend des bénéfices différents, aux portées variables: la production de tout le spectre de leurs avantages, notamment pour la santé et la qualité de vie, demande donc une complémentarité des différentes infrastructures naturelles, autant du point de vue de leurs fonctions que de leur répartition spatiale. Leur efficacité repose donc sur leur implantation massive, diversifiée et décentralisée.
Quelques pistes d’action:
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Prendre le temps de planifier le déploiement des infrastructures naturelles (p. ex. via une politique ou un plan directeur) afin d’assurer une répartition spatiale et fonctionnelle pertinente;
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Implanter des infrastructures naturelles structurantes dans les lieux les plus stratégiques;
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Multiplier les infrastructures naturelles de portée plus limitée sur le territoire et au cœur des milieux de vie.
Pour multiplier intentionnellement les retombées des infrastructures naturelles
Une place publique conçue à la fois pour soutenir la santé et la biodiversité. Source: Vivre en Ville.
Trop souvent, on considère que les bénéfices des infrastructures naturelles découlent automatiquement de leur implantation. Or, on sous-estime alors le rôle que peuvent jouer une planification et une conception qui visent activement à optimiser les retombées multiples de ces infrastructures (Cook et collab., 2024).
Quelques pistes d’action:
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S’appuyer sur un portrait-diagnostic urbanistique du territoire, qui détaille les enjeux de la collectivité de manière englobante (p. ex. état de la santé de la population, risques environnementaux, desserte en équipements collectifs, etc.);
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Considérer l’infrastructure naturelle en planification à toutes ses échelles: dans quel écosystème s’inscrit-elle, et à quels enjeux hors site peut-elle répondre?;
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Former des équipes multidisciplinaires pour piloter les projets d’infrastructures naturelles;
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Entrer en contact avec sa direction de santé publique (DSP), notamment pour bénéficier de son expertise et des données pertinentes en la matière.
Pour faire bénéficier des infrastructures naturelles aux personnes qui en ont le plus besoin
Un parc inondable remplace un terrain vague. Source: Vivre en Ville.
Si les infrastructures naturelles sont largement bénéfiques, elles s’avèrent d’autant plus cruciales dans les milieux composant avec des iniquités territoriales, où les personnes sont doublement pénalisées par les conditions socioéconomiques avec lesquelles elles doivent composer et par les caractéristiques physiques de leur quartier.
La planification des infrastructures naturelles devrait donc viser une répartition équitable pour garantir que les personnes qui ont le plus à gagner de leur déploiement puissent en bénéficier. La portée de certains avantages étant particulièrement limitée (p. ex. en matière de santé mentale et de confort thermique), une planification qui adopte une lunette d’équité territoriale doit s’intéresser à la répartition fine des infrastructures et de leurs bénéfices.
Quelques pistes d’action:
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Identifier les secteurs où se concentrent des personnes vivant avec des facteurs de vulnérabilité socioéconomique;
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Identifier les secteurs les moins desservis en infrastructures naturelles (p. ex. desserte en parcs et couverture de canopée) et les plus exposés aux risques environnementaux;
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Prioriser les interventions dans les secteurs où se superposent des vulnérabilités sociales et territoriales;
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Intégrer des critères socioéconomiques dans la planification des efforts de verdissement.
Pour s’assurer de la résilience des infrastructures naturelles
Une école impliquée dans la plantation sur son terrain. Source: Vivre en Ville.
Pour s’assurer de la performance des infrastructures naturelles à long terme, il est crucial de planifier leur cycle de vie dès leur conception. La composante vivante doit être spécifiquement prise en compte dans cette optique, notamment pour prévoir son entretien, sa protection au fil du temps et sa résilience face aux changements climatiques ou à d’autres perturbations (p. ex. les espèces exotiques envahissantes).
Quelques pistes d’action:
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Planifier des infrastructures en réseau et concevoir des infrastructures plus flexibles pour augmenter leur résilience;
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Concevoir des infrastructures adaptées à un climat futur;
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Prévoir dans les budgets les besoins en entretien, voire leur augmentation;
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Assurer le suivi et l’évaluation des infrastructures pour en valider la performance;
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Inscrire les infrastructures naturelles dans les plans de gestion des actifs;
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Mettre à profit la communauté dès que possible: entretien participatif, mutualisation des infrastructures, etc.
Pour profiter des avantages des infrastructures naturelles dès que possible
Une réfection de rue permet l’implantation de nouvelles fosses de plantation drainantes. Source: Vivre en Ville.
Finalement, les différentes composantes de l’écosystème nécessaires au bon fonctionnement des infrastructures naturelles prennent du temps à se mettre en place: il est néanmoins urgent d’investir dès à présent dans ce type d’infrastructures pour produire les bénéfices essentiels à la santé et accélérer l’adaptation aux changements climatiques.
Quelques pistes d’action:
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Profiter de toutes les occasions possibles d’intégrer des infrastructures naturelles (p. ex. une réfection de rue, l’entretien d’un parc, le réaménagement d’un terrain municipal);
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À travers l’encadrement réglementaire et l’accompagnement des propriétaires, mettre à profit la transformation des terrains privés pour y intégrer des mesures de verdissement;
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Inciter les grands propriétaires industriels, commerciaux et institutionnels à intégrer des infrastructures naturelles sur leurs terrains, ou soutenir des partenaires de la société civile qui peuvent les accompagner;
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Impliquer la population dès que possible dans la planification, la conception, l’aménagement et l’entretien des infrastructures naturelles: les infrastructures naturelles peuvent en soi bénéficier à la santé, mais leur déploiement est aussi un levier de bien-être mental et social à ne pas sous-estimer.
Références
COOK, Lauren et collab. (2024). «Towards the intentional multifonctionality of urban green infrastructure: a paradox of choice?», npj Urban Sustainability, vol. 4, n°12.
FONDATION DAVID SUZUKI (2015). Les infrastructures vertes: un outil d’adaptation aux changements climatiques pour le Grand Montréal, Fondation David Suzuki, 49p.
FONDATION DU GRAND MONTRÉAL ET VIVRE EN VILLE (2024). Iniquités territoriales, 136 p. (coll. Signes vitaux du Grand Montréal).
INSTITUT CLIMATIQUE DU CANADA (2022). Limiter les dégâts: réduire les coûts des impacts climatiques pour le Canada. L’Institut climatique du Canada. 86 p.
VIVRE EN VILLE (2022). Collectivités en santé: guider les municipalités dans l'aménagement de milieux de vie favorables à la santé, au bien-être et à la qualité de vie, 64 p. (coll. Vers des collectivités viables) [vivreenville.org].
Projet «Aménager pour la santé»
Cette initiative est financée par le gouvernement du Québec dans le cadre de la Politique gouvernementale de prévention en santé (PGPS).
VIVRE EN VILLE (2025). Planifier les infrastructures naturelles. Carrefour.vivreenville.org
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Date de publication 30 juillet 2025Date de mise à jour 31 juillet 2025
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