Faire autrement: la sobriété territoriale en action
Protéger, réutiliser, intensifier, mieux habiter: la sobriété territoriale s’incarne dans des projets concrets portés par des municipalités engagées. Tour d’horizon.

La sobriété territoriale peut sembler une destination ambitieuse. Elle l’est. Mais si on la place à l’avant-plan, ce n’est pas seulement en raison de son urgence: c’est aussi parce qu’un vent de changement souffle déjà. Il faut l’alimenter et lui donner plus de force. Partout au Québec, des municipalités démontrent qu’il est possible de transformer les façons de faire. Elles se dotent de cibles claires, d’outils concrets et du courage d’agir.
Ce changement ne repose pas sur un grand geste isolé. Il prend plutôt la forme d’une multitude d’initiatives, qui s’additionnent et ouvrent de nouvelles perspectives. À l’approche du Rendez-vous Collectivités viables, c’est ce mouvement que nous voulons saluer: des municipalités qui choisissent de miser sur l’existant et de créer les conditions de milieux de vie plus complets, conviviaux et résilients.
Des défis subsistent, bien sûr, et ils seront au cœur des échanges du RVCV. Mais pour l’instant, prenons un temps pour reconnaître ces avancées, les petites comme les grandes. Parce qu’elles laissent entrevoir ce que pourrait devenir notre territoire — si on continue à pousser dans la bonne direction.
À la base de la sobriété territoriale: la décision de ne pas tout urbaniser.
Préserver les milieux naturels, c’est reconnaître leur rôle essentiel dans l’équilibre écologique, la résilience climatique et la qualité de vie – et sortir d’une vision qui considère les espaces vierges comme du potentiel à bâtir.
Des engagements structurants prennent forme. À Sherbrooke, le Plan nature vise à conserver 45% du territoire en milieux naturels. Saint-Jean-sur-Richelieu s’engage à protéger 90% des boisés situés en zone blanche, et Longueuil cible la conservation de 75% des milieux naturels présents sur son territoire.
Alors que les terres agricoles sont encadrées par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la conservation des milieux naturels dépend largement de la volonté municipale. Dans un contexte de forte pression foncière, préserver des milieux naturels de l'urbanisation, c’est déjà planifier autrement.
Régénérer les milieux de vie: des projets de requalification ambitieux
Plusieurs municipalités planchent sur des projets structurants, porteurs d’un fort potentiel de consolidation. Elles s’attaquent à des lieux à transformer, mais aussi à reconnecter: anciens sites industriels, grandes emprises commerciales ou friches, souvent sources de rupture dans le tissu urbain.
Pensons à Fortissimo, qui devrait bientôt démarrer à Drummondville, et à Avantia, à Repentigny. À l’écoquartier des Îles-de-la-Madeleine, en continuité du centre-ville de Cap-aux-Meules. À Trois-Rivières, qui s’est dotée d’une planification pour Le Relais, à Montréal, où les projets de Lachine-Est et de Louvain progressent, pendant que Québec complète ses écoquartiers.
Ces projets se déploient à des rythmes inégaux, parfois ralentis par des enjeux de gouvernance ou de financement. Mais leurs forces — maîtrise foncière et d’ouvrage, ambition et outils réglementaires conséquents — nourrissent l’expertise de l’ensemble des acteurs impliqués, pour que ces visions deviennent éventuellement la norme plutôt que l’exception.
Renforcer ce qui existe déjà: des interventions porteuses dans les cœurs de collectivités
Dans plusieurs municipalités de plus petite taille, on voit émerger des projets bien situés, soutenus par une implication municipale directe, que ce soit par la maîtrise foncière ou par des ajustements réglementaires qui rompent avec les pratiques en place.
C’est le cas en Nouvelle-Beauce, où des municipalités comme Scott, Saint-Elzéar ou Saint-Bernard interviennent pour maximiser leur potentiel de croissance tout en limitant l’étalement. À Métis-sur-Mer, le projet C-Métis vise à offrir des logements abordables et diversifiés au sein du noyau villageois, en collaboration avec la municipalité.
En arrimant la croissance autour des centres-villes et des noyaux villageois, ces municipalités se donnent toutes les chances de répondre aux besoins de leur population, contribuant du même coup au dynamisme de leurs cœurs de collectivités.
Habitation abordable: des leviers locaux qui gagnent en force
Face à la crise du logement, des municipalités locales et régionales prennent les devants pour soutenir le développement d’une offre abordable. Par exemple, à Mascouche et Chambly, des fonds municipaux dédiés à l’habitation abordable ont été créés, en partie alimentés par de nouvelles redevances de développement. Du côté des MRC, des stratégies innovantes prennent forme: Brome-Missisquoi et les Laurentides explorent les fiducies d’utilité sociale pour sortir certains terrains du marché spéculatif et garantir leur affectation à long terme.
Ces mesures jouent un rôle essentiel: sans elles, les milieux de vie complets risquent de demeurer hors de portée pour une partie de la population. En activant les leviers locaux, ces collectivités posent les bases d’une accessibilité réelle — une condition indispensable pour une transition équitable et inclusive.
Créer de l’espace: remettre en question la place du stationnement
Longtemps considéré comme une exigence incontournable, le stationnement commence à perdre son statut d’évidence.
Dans quelques villes, on remet en question la place qu’il occupe… et qu’il nous fait perdre. Sherbrooke est en voie d’abolir les normes minimales de stationnement sur l’ensemble de son territoire. Québec a fait de même dans les corridors desservis par le transport collectif structurant. De son côté, Laval a adopté une taxe sur les surfaces pavées au centre-ville, et Gatineau envisage une mesure comparable.
Ces gestes sont encore récents, mais ils envoient un signal clair: la planification ne peut plus reposer sur des standards qui consacrent la place de l’auto et freinent la transformation des milieux. Repenser le stationnement, c’est créer de l’espace pour reconstruire la ville sur elle-même.
La discussion se poursuit au RVCV
Ces exemples et les thèmes couverts sont loin d’être exhaustifs. Ils révèlent toutefois un mouvement bien réel: celui de collectivités qui cherchent à faire autrement.
Pour cheminer vers la sobriété territoriale, il n’y a pas une seule voie à suivre. Il faut à la fois protéger ce qui doit l’être, saisir chaque opportunité de consolidation à son plein potentiel, et se doter des leviers nécessaires pour le faire — avec cohérence, ambition et rigueur.
Au Rendez-vous Collectivités viables, nous aurons l’occasion de plonger dans certains des cas mentionnés, d’en découvrir d’autres, et de voir à l’œuvre des élu·es et des professionnel·les qui portent ce changement.
On a hâte de vous y voir!
VIVRE EN VILLE (2025). Faire autrement: la sobriété territoriale en action. Carrefour.vivreenville.org.
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Auteur Alejandra de la Cruz Boulianne
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Date de publication 20 mai 2025Date de mise à jour 26 mai 2025
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