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Sobriété territoriale: 4 idées fortes pour passer des intentions à l’action

Retour sur le Rendez-vous Collectivités viables 2025

Accélérer la sobriété territoriale exige bien plus que de bonnes intentions. Voici quatre grandes idées que l’on retient du Rendez-vous 2025 pour guider l’action sur le terrain.

Catherine Martel

Le Rendez-vous Collectivités viables 2025 a été l’occasion de se retrouver, de faire le point et de se projeter concrètement vers la sobriété territoriale.

Au courant de la journée, d’une conférence et d’un panel à l’autre, un fil conducteur s’est dégagé: les bonnes intentions ne suffisent plus. Pour accélérer la transition, il faudra lever les blocages, créer de la valeur pour toutes et tous, remettre l’humain au cœur des transformations et collaborer autrement.

Retour sur ces quatre idées fortes qui ont traversé la journée du Rendez-vous, à relire et à partager pour continuer d’alimenter la réflexion bien au-delà de l’événement.

Réduire la complexité pour accélérer la transition

Avancer vers la sobriété territoriale ne devrait pas relever de l’exploit. Et pourtant, même quand les besoins sont urgents, les intentions claires et les projets porteurs, la mise en œuvre se heurte à une foule d'obstacles. Comme l’a exprimé Lisa Helps avec justesse, « ça ne devrait pas être aussi compliqué » de maximiser l’usage du sol disponible. Pourtant, la complexité des règles, des procédures ou des montages financiers freine l’action… ou la bloque carrément.

Plusieurs interventions ont montré comment on peut simplifier pour dégager le chemin de l’action. À Sherbrooke, Évelyne Beaudin a souligné que l’abandon des exigences minimales de stationnement redonne de la marge de manœuvre aux projets de consolidation. En Colombie-Britannique et à Auckland en Nouvelle-Zélande, la fin du zonage exclusivement unifamilial permet d’introduire de la diversité dans les quartiers existants. 

La façon de réglementer compte aussi. Carolyn Whitzman a rappelé qu’on peut viser des objectifs ambitieux, comme 25 % d’espaces verts, tout en laissant de la souplesse sur les moyens d’y parvenir: par exemple, sans exiger des marges fixes ou une répartition précise sur le terrain.

Mais alléger les règles ne suffit pas. Pour que les projets émergent, il faut aussi mobiliser et soutenir celles et ceux qui les portent, et parfois, leur donner un élan initial. Sylvain Grisot a montré qu’une cible nationale comme celle de ZAN, bien qu'imparfaite, a tout de même su déclencher une nouvelle culture de l’aménagement. 

Pour Marina Khoury, soutenir l’action municipale, c’est aussi outiller les équipes: développer les compétences, créer des liens entre services et bénéficier d’un leadership politique fort. Enfin, David Miet a prouvé que pour que les projets prennent forme, il faut parfois accompagner les démarches de l’idée à la réalisation, comme en témoignent les centaines d’initiatives concrétisées grâce aux approches BIMBY et BUNTI.


Créer de la valeur individuelle et collective

La consolidation des milieux existants se heurte souvent à des résistances, alimentées par une perception de pertes. Mais une autre image émerge lorsqu’un projet apporte une plus-value autant à l’échelle de la personne comme celle de la collectivité. 

C’est ce qu’illustrent les démarches portées par Villes Vivantes (David Miet), où les projets voient le jour non pas par obligation, mais parce qu’ils répondent à un désir ou une aspiration: loger un parent vieillissant, adapter son milieu à une nouvelle étape de vie, ou simplement mieux habiter sa cour. La densification douce devient alors un moyen d’y répondre, tout en ajoutant quelques logements.

Cette logique de gains partagés est revenue à d'autres moments de la journée. Lisa Helps a rappelé que le changement gagne en acceptabilité lorsqu’il crée des bénéfices pour plusieurs — comme à Victoria, où des changements de zonage ont été appuyés tant par des jeunes adultes en quête de logement, que par leurs aînés (souvent parents ou grand-parents), heureux de les garder à proximité. 

Même son de cloche du côté de Stéphan Déry, de la Société immobilière du Canada, qui insiste sur la capacité des projets de requalification à offrir des milieux attrayants et adaptés à une diversité de réalités.

Pour y arriver, il faudra aussi concevoir l’espace urbain comme un moteur de bien-être et de lien social, comme l’a illustré Charles Montgomery. Miser sur les co-bénéfices de la sobriété territoriale implique de planifier des quartiers plus accessibles, inclusifs et conviviaux, qui soutiennent la qualité de vie et favorisent les interactions. Projet par projet, on peut ainsi donner du sens aux transformations, en montrant comment elles améliorent concrètement le quotidien et redonner le plaisir de la densité.


Remettre l’humain au cœur des transformations, sans laisser personne derrière

Bien qu’elle soit positive, la transformation des milieux de vie comporte le risque de les rendre accessibles uniquement aux plus privilégiés. Trop souvent, elle s’accompagne d’une hausse des coûts d’habitation, d’une homogénéisation sociale et d’une perte de repères pour les résident·es qui restent.

Ce risque d’exclusion s’accentue lorsque les projets se font sans celles et ceux qui les vivent. Charles Montgomery a rappelé que les démarches participatives classiques rejoignent rarement les personnes vulnérables ou historiquement exclues. Trop occupées ou peu convaincues qu’elles seront écoutées, ces personnes doivent pourtant être placées au cœur des démarches. Donner une voix ne suffit pas: il faut aller vers, et créer des espaces d’écoute crédibles. Et encore, il faut planifier avec l’intention explicite de ne pas reproduire les inégalités, comme cela a été fait par exemple à Washington, avec le «plan de développement équitable» qui a accompagné la planification d'un nouvel espace public d'envergure.

En matière d'équité, l'habitation joue bien sûr un rôle clé. Tant que des mesures structurantes ne sont pas mises en place, l'accessibilité à toutes et tous n’est pas assurée. Comme l’a souligné Mary Rowe, le logement est encore trop souvent considéré comme un investissement plutôt qu’un droit fondamental. Charles Montgomery l’exprime autrement : « You call them units, but it’s homes. »

Pour changer la donne, Carolyn Whitzman plaide pour des cibles claires, comme celle d’un minimum de 20 % de logements à but non lucratif à l’échelle provinciale. Des projets comme ceux de la Société immobilière du Canada ou le développement Avantia à Repentigny montrent comment la maîtrise foncière publique peut contribuer à atteindre cet objectif.

Les logements «NOAH» (Naturally Occurring Affordable Housing), abordables par leur simple vétusté, figurent parmi les plus menacés par la spéculation. La consolidation devra donc s’accompagner de mesures pour préserver ce qui est déjà abordable. Heureusement, de plus en plus de municipalités, comme Victoriaville, se dotent de programmes d’acquisition pour sortir ces logements du marché privé. 


S'unir autour d'une vision commune

Transformer durablement un territoire, c’est d’abord savoir où on va. Une vision claire permet d’orienter les choix, d’arbitrer les priorités et de faire converger les efforts, plutôt que d’avancer à la pièce et de risquer les contradictions. Elle devient aussi un levier pour convaincre et négocier, notamment avec les promoteurs, comme l’a illustré Stéphan Déry.

Cette vision doit être portée collectivement entre services municipaux, entre élu·es et professionnel·les, voire entre secteurs. Le panel d’élu·es du Québec a largement abordé ce point. Dans un contexte de ressources limitées, la vision partagée devient essentielle. Il faut aussi renforcer la capacité à travailler autrement, en décloisonnant les services pour trouver ensemble des solutions aux blocages récurrents. 

En Colombie-Britannique, l’initiative BC Builds en est un bon exemple. La collaboration soutenue entre bailleurs de fonds, municipalités et concepteurs permet d’aligner les impératifs de chacun et de raccourcir considérablement les délais.

Sylvain Grisot l’a aussi évoqué en lien avec la cible de ZAN, qui visait à réduire de 50 % le rythme d’artificialisation des sols en 10 ans. D’abord perçue comme irréaliste, elle a forcé un changement de posture , car il allait être impossible de l’atteindre sans collaborer ni revoir les façons de faire.

Marina Khoury parle quant à elle d’alliances entre rôles complémentaires : «The bold mayor, the code breaker, the visionary developer». Il ne s’agit plus d’attendre que quelqu’un d’autre fasse le premier pas, mais d’agir ensemble, avec une culture de projet partagée.

Enfin, comme l’a bien résumé Lisa Helps, travailler ensemble, c’est exigeant. Mais ça peut aussi être un travail joyeux et gratifiant, à condition de bien savoir pourquoi on le fait!



Merci à celles et ceux qui ont nourri les échanges

Cet article fait écho aux propos de plusieurs voix influentes du milieu de l’urbanisme et de l’aménagement, entendues au Rendez-vous Collectivités viables 2025. En ordre d’apparition, celles et ceux cité·es dans le texte :

  • Lisa Helps, Responsable exécutive chez BC Builds et ancienne mairesse de Victoria
  • Évelyne Beaudin, mairesse de Sherbrooke
  • Carolyn Whitzman, experte en politiques de l’habitation
  • Sylvain Grisot, urbaniste (circulaire) et fondateur de dixit.net
  • Marina Khoury, architecte-urbaniste, associée chez DPZ CoDesign
  • David Miet, architecte-urbaniste, cofondateur de Villes Vivantes
  • Stéphan Déry, Président-Directeur Général, Société immobilière du Canada
  • Charles Montgomery, auteur et designer urbain, consultant et auteur de Happy City
  • Mary Rowe, Présidente-Directrice Générale de l’Institut urbain du Canada
Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2025). 4 idées fortes pour passer des intentions à l’action: retour sur le Rendez-vous Collectivités viables 2025. Carrefour.vivreenville.org.

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