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Apprivoiser la maîtrise foncière municipale

Retours d'expérience éclairants

La maîtrise foncière municipale est un levier puissant pour créer des milieux de vie complets où il fait bon vivre. Ces stratégies soulèvent pourtant de nombreuses questions sur la manière d’en tirer le meilleur parti.

C’est dans le but de trouver des réponses à ces enjeux que Vivre en Ville a réuni dix municipalités au sein d’une communauté de pratique sur le thème de la maîtrise foncière. Cet article présente les principaux apprentissages et pistes d’actions issus des échanges.

Écoquartier D'Estimauville à Québec. Source: Vivre en Ville

Qu’est-ce que la maîtrise foncière municipale?

La maîtrise foncière regroupe les stratégies qui consistent à utiliser l'acquisition, la détention et la cession de propriétés foncières et immobilières, en vue de concrétiser une vision de développement municipal. Ces stratégies impliquent une intervention directe de la municipalité dans la gestion du foncier. 

Elles sont complémentaires aux pouvoirs réglementaires, politiques et fiscaux dont la municipalité dispose par ailleurs pour encadrer et soutenir son développement. 

La maîtrise foncière, un réflexe à développer

Au Québec, sauf dans les cas de fonciers hérités ou pour des projets d’équipements publics, les interventions de maîtrise foncière demeurent rares. Cette approche est principalement utilisée pour le développement industriel ou économique des territoires. Le développement de milieux de vie résidentiels ou mixtes repose généralement sur l’initiative du secteur privé, où les promoteurs acquièrent, développent et commercialisent les propriétés. Dans ce contexte, le rôle des municipalités se limite le plus souvent à la planification et à l’encadrement du développement par le biais des outils d’urbanisme.

Face à l’aggravation des défis touchant les municipalités, qu’il s’agisse de la crise de l’habitation, des enjeux climatiques ou de la préservation du patrimoine, celles-ci sont contraintes de redéfinir leur rôle et d’explorer de nouvelles solutions. Cette nécessité est d’autant plus marquée que les objectifs des municipalités et des acteurs privés peuvent diverger, notamment en ce qui concerne la conservation des milieux naturels et le développement d’une offre de logements répondant aux besoins de l’ensemble de la population. 

Ainsi, l’intervention foncière soulève des questions sur l’évolution des rapports de force et la redéfinition des rôles entre acteurs publics et privés. Pour les municipalités ayant participé à la communauté de pratique, leur positionnement reste parfois à défendre face à la question suivante: «Si les promoteurs ont l’intérêt, les compétences et l’expertise, alors quel est le rôle des municipalités dans ce processus?».

Pourquoi s’en saisir?

Bien que les municipalités de la communauté de pratique perçoivent les stratégies de maîtrise foncière comme politiquement et financièrement risquées, elles en soulignent la portée et la force d’action stratégique. La maîtrise foncière s’avère particulièrement pertinente quand une municipalité souhaite: 

  • atteindre des objectifs que le secteur privé ne partage pas directement comme:
    • la protection des fonciers en vue de conserver des milieux naturels ou de limiter la spéculation foncière;

    • le développement de logements à but non lucratif (en collaboration avec les acteurs paramunicipaux ou les OSBL);

  • rendre certains secteurs ou fonciers plus attractifs pour les promoteurs, qu’ils soient privés ou à but non lucratif:

    • en envoyant un signal clair d’investissement et d’intervention publique par l'acquisition de foncier dans le cadre d’une planification d’un secteur stratégique;  
    • en utilisant des stratégies de remembrement (p. ex. redécoupage, fusion) ou la décontamination des terrains;
  • dans le cas des grands projets, élargir ses leviers d’action en complément des outils réglementaires traditionnels, grâce: 
    • à des appels d’offres intégrant des critères et obligations spécifiques pour la mise en œuvre d’un projet;
    • à la planification des réseaux et à l’aménagement des espaces publics garantissant leur intégration au sein du site et avec l’environnement du projet.

On ne peut plus juste réagir aux opportunités qui se présentent. Se constituer une réserve foncière importante doit faire partie de notre culture; c'est une nouvelle philosophie à laquelle il est inévitable d'adhérer

Une personne appartenant à la communauté de pratique

Comment planifier la maîtrise foncière?

Pour faciliter et accélérer la prise de décision lorsqu’une occasion d’acquisition de terrain se présente, la préparation en amont est indispensable. Elle permet de réagir efficacement en argumentant l’intérêt de l’acquisition, autant auprès des personnes élues qu’auprès des citoyennes et citoyens et des différentes directions de la municipalité.

Pour y parvenir, les municipalités ont partagé leurs bonnes pratiques.

Identifier les actifs, les besoins et les secteurs stratégiques:  
  • par un inventaire des terrains et immeubles municipaux; 

  • par un bilan des besoins sectoriels avec les directions municipales, la population et les actrices et acteurs du territoire pour comprendre leurs besoins (habitation, espaces verts et naturels, économie, culture, etc.);

  • par l’identification des secteurs et sites stratégiques et d’intérêt ainsi que l’usage idéal projeté pour chacun (p. ex. des stationnements de surface qui pourraient accueillir des logements ou une station-service qui pourrait devenir un espace public);

S’outiller pour se donner les moyens d’agir et saisir les opportunités grâce:
  • à une grille d’aide à la décision partagée entre les directions municipales pour évaluer l’intérêt et les impacts potentiels de l’acquisition de terrains donnés; 

  • à un fonds d’acquisition et des stratégies financières pour anticiper et sécuriser une partie du financement nécessaire;

  • au recours à des pouvoirs municipaux et des outils réglementaires associés, par exemple en recourant au droit de préemption ou à un programme d’acquisition d’immeubles.

Comment acquérir et à quel prix?

S’appuyer sur les pouvoirs municipaux pour déployer une stratégie d’acquisition

Au Québec, quand les municipalités ne disposent pas déjà d’un foncier leur permettant de répondre à leurs objectifs, elles ont la possibilité d’acquérir des terrains et de constituer leur réserve foncière via: 

  • le droit d’expropriation; 

  • un programme d’acquisition d’immeubles sur le territoire d'un programme particulier d’urbanisme (PPU);

  • le droit de préemption: ce droit permet à un organisme municipal d’acquérir, en priorité sur tout autre acheteur, des immeubles ou terrains préalablement identifiés;

  • les cessions de terrains à des fins publiques dans le cadre d’un développement privé (p. ex. contribution aux fins de parcs, prestations dans le cadre d’un règlement d’inclusion);

  • les acquisitions de gré à gré.

Pour les municipalités participantes, il est clair que ces outils peuvent être utilisés de manière complémentaire. 

Il est intéressant de souligner que l’acquisition de gré à gré est souvent privilégiée en raison de sa faible complexité administrative. Toutefois, elle n’est pas toujours simple. Ainsi, lorsque les discussions s’enlisent avec la personne propriétaire du site d’intérêt, l'expropriation peut être utilisée comme argument de négociation ou réellement utilisée en dernier recours s’il est impossible de trouver un accord. 

De son côté, l’appropriation du droit de préemption, encore relativement nouveau pour la plupart des municipalités, progresse. Cet outil, potentiellement moins coûteux que l’expropriation, présente toutefois deux limites importantes: les délais d’acquisition dépendent de la volonté des propriétaires de vendre et la municipalité doit égaler une offre d’achat soumise aux propriétaires, ce qui implique une acquisition au prix du marché.

Planifier des stratégies financières 

Reste ensuite à financer l’acquisition en tant que telle. Il y a autant de situations financières que de municipalités. Toutefois, dans tous les cas, acheter un foncier représente un important investissement dont l’anticipation est de mise. 

Certaines municipalités parviennent à acquérir grâce à un fonds d’acquisition alimenté par leurs fonds propres, misant par exemple sur leurs surplus ou sur des revenus issus de redevances de construction ou d'une portion de la taxe foncière.

Toutefois, la plupart des municipalités ont recours à des emprunts. Alors que le processus pour l’approbation d’un emprunt peut être trop long par rapport au temps imparti pour conclure un achat, plusieurs municipalités se prévalent d’un règlement d’emprunt dit «parapluie». Celui-ci vise à pré-autoriser l’emprunt d’une somme qui pourra ensuite être allouée à des acquisitions, sans que les propriétés visées n’aient besoin d’être connues au moment de l'adoption du règlement.  

Agir dans un marché spéculatif

Les dynamiques de marché fluctuantes et complexes demeurent un défi pour les interventions foncières. Loin d’être un facteur paralysant pour les municipalités de la communauté de pratique, elles gardent en tête l’objectif recherché, demeurent prudentes, et s’outillent pour limiter les impacts négatifs. L’objectif de développement à moyen et long terme et l'intérêt public restent le moteur de la prise de décision. 

Au moment d’acquérir pour la municipalité, le juste prix d’acquisition est de toutes façons défini par le marché et déterminé par les évaluateurs de la municipalité. 

Au moment de la cession: quel équilibre trouver entre exigences municipales, contraintes de développement et attractivité? 

Quand il s’agit de céder leur foncier, les municipalités ont plusieurs avenues possibles. Les objectifs et modalités varient selon l’importance stratégique des projets et leur potentiel de création de milieu de vie. 

Pendant les rencontres de la communauté de pratique, les discussions ont avant tout porté sur les meilleures pratiques pour choisir à qui et à quelles conditions céder les fonciers. Toutefois, dans chaque cas, les municipalités avaient établi en amont une vision et une planification précises. 

Par exemple, plusieurs projets se sont basés sur les objectifs des écoquartiers pour déterminer les principes d’aménagement du futur milieu de vie ainsi que son organisation générale (p. ex. réseau viaire, implantation, stationnements). Une fois ce travail primordial terminé, le défi a été de traduire ces balises en exigences concrètes et réalistes et de les intégrer au processus de cession, sans nuire à l’attractivité du site. 

La maîtrise foncière, c'est le bout facile ; le véritable défi réside dans la réalisation du projet une fois le terrain acquis.

Une personne appartenant à la communauté de pratique

Choisir entre une cession par appel d’offres ou de gré à gré

De façon plutôt conventionnelle et établie, les municipalités de la communauté de pratique ont tendance à recourir à deux modes de cession: par appel d’offres ou de gré à gré. 

Idéalement, la municipalité a recours à l’appel d’offres public. Cela lui permet de mettre au jeu de manière transparente le foncier et d’établir ses critères de développement au-delà de ce qu’encadre déjà la réglementation. Les appels d'offres deviennent alors un outil incontournable des municipalités pour contribuer à la création de milieux de vie complets. 

Dans le cas des cessions de gré à gré, la municipalité cède le foncier à un acteur identifié en amont. Cet outil flexible est souvent préféré par les promoteurs et municipalités. La relative liberté offerte par les discussions de gré à gré ne doit pas occulter l’objectif initial de la maîtrise foncière, à savoir le développement d’un projet de plus grande qualité et contribuant à mettre en œuvre une vision d’intérêt public. C’est pourquoi d’étroites négociations avec l’acheteur et des clauses appropriées dans le contrat de vente sont autant de bonnes pratiques qui maximisent les chances d’aboutissement d’un projet satisfaisant. 

Quelles solutions pour faire aboutir le projet lorsque les exigences semblent freiner les promoteurs? 

Comme les appels d’offres sont relativement nouveaux pour certaines municipalités, celles-ci expérimentent pour trouver le bon équilibre entre viabilité des projets et contraintes de développement. C’est d’autant plus vrai dans les projets où les investissements en infrastructures sont très coûteux comme les grands projets de redéveloppement.

D’ailleurs, quelques municipalités ont partagé le constat que certains de leurs appels d'offres ne reçoivent pas de réponse de la part des promoteurs. Loin de se laisser abattre, les municipalités ont entrepris des discussions avec les promoteurs ayant consulté les dossiers pour comprendre leurs enjeux et éventuellement trouver un compromis acceptable. Il s’agissait par exemple de modifier la taille des parcelles, de revoir la densité attendue ou d’aménager davantage d’espaces publics.

Pour s’assurer que les ambitions municipales restent réalistes et ne nuisent pas à l’attractivité des terrains, les municipalités ont partagé quelques pistes de solution: 

  • s’assurer de l’équilibre budgétaire de l’opération qui prend en compte le financement des infrastructures, des espaces publics et des potentielles décontaminations;

  • s’assurer de la capacité et de la solidité financière et opérationnelle des promoteurs pour développer un projet de l’envergure souhaitée; 

  • bien rédiger le cahier des charges;

  • dans certains cas, morceler en lots avec des modalités de cession différentes pour chaque lot; 

  • compter sur des porteurs de projets différents pour répartir les risques entre plusieurs parties prenantes et développer plusieurs phases du site en simultané pour les grands projets; 

  • planifier le développement par phase;

  • dès qu’un promoteur est choisi, organiser une rencontre de démarrage qui passe en revue les exigences et les demandes de la municipalité. 

La réussite repose donc sur des objectifs municipaux clairement communiqués, un dialogue constructif avec les promoteurs et une certaine flexibilité. 

Pour conclure, des apprentissages à essaimer

Les municipalités réunies sont convaincues de l’intérêt de mettre en place des stratégies de maîtrise foncière sur leur territoire et déploient et expérimentent en conséquence plusieurs modalités de mise en œuvre. 

Les partages d’expérience permettent de s’enrichir des apprentissages des uns et des autres pour éviter des écueils et s’encourager à innover en vue de faire de ces processus une réelle habitude d’intervention municipale.

Il est intéressant de constater que d'autres municipalités rencontrent parfois les mêmes défis que nous. Cela peut offrir des perspectives précieuses pour nos propres initiatives.

Une personne appartenant à la communauté de pratique
Contenu créé dans le cadre de

Projet «Optimiser l'urbanisation»

Ce contenu a été créé dans le cadre des activités du projet «Optimiser l'urbanisation», réalisé grâce à l'aide financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2025). Apprivoiser la maîtrise foncière municipale: retours d'expérience éclairants. Carrefour.vivreenville.org.

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