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Une décennie de travail pour un meilleur aménagement du territoire

Vivre en Ville

Récemment, un urbaniste qui œuvre dans une ville me racontait qu’il planifie actuellement la consolidation du développement autour d’un pôle central qui deviendra un jour un véritable centre-ville, avec une diversité de services de proximité. Cette orientation n’émane pas que du conseil municipal, même s’il y adhère. En fait, les élus se retrouvent fréquemment à expliquer aux citoyens qu’ils n’ont pas vraiment le choix d’aller dans cette direction, que c’est ce qu’exigent les orientations gouvernementales (OGAT). C’est ce dont on a convenu collectivement, pour que l’aménagement des municipalités devienne plus soutenable.

J’ai été enchanté de l’entendre. C'était en plein ça, la volonté à l’origine de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT). Avec plus de 1100 municipalités au Québec, il nous fallait une vision d’ensemble, tant aux échelles nationale que régionale, pour qu’il y ait de la cohérence. 

L’alliance ARIANE a été créée il y a 10 ans, avec pour objectif l’adoption d’une politique nationale qui établirait certains objectifs communs et qui contribuerait à une véritable culture de l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, nous sommes à l’heure de la mise en œuvre de cette politique publique, qui n’était à l’époque qu’une idée.

Lancement de l'alliance ARIANE le 29 septembre 2015. Source: Lucie Bataille Photographe.

Petite anecdote. En 2014, j’avais fait un stage de fin d’études de maîtrise chez Vivre en Ville. Mon mandat était de documenter les politiques nationales d’aménagement du territoire d’autres juridictions à l’international. L’idée était de commencer à préparer le terrain pour mettre sur pied une coalition d’organisations de la société civile motivées à réformer le cadre et les pratiques d’aménagement. Certaines personnes avaient de la suite dans les idées et planifiaient déjà ce qui allait venir dans la décennie suivante. Chapeau bas, Christian (Savard) et Jeanne (Robin)!

L’année suivante, l’alliance ARIANE était lancée en grande pompe lors d’une conférence de presse à la Maison du développement durable, avec une déclaration et 50 premiers signataires de renom. Je n’y étais pas, mais je sais que cet événement allait changer le cours des choses. Et c’est donc ce que que nous avons souligné, le 29 septembre dernier, 10 ans jour pour jour plus tard, au même endroit.  

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. En 2017, je suis revenu chez Vivre en Ville, avec parmi mes responsabilités la coordination de l'alliance ARIANE. Convaincre les partis politiques d’inscrire cet engagement dans leur plateforme en 2018 n’a certainement pas été de tout repos. Obtenir l’adhésion du milieu municipal non plus. 

Outre le travail continu de plaidoyer, notamment un forum rassemblant plus de 150 leaders de l’aménagement en février 2018 à Québec, plusieurs événements ont démontré la nécessité de dépasser les frontières administratives et de revoir la planification territoriale: les inondations de 2017 et 2019, l’épisode controversé du schéma de la MRC de Montcalm puis la COP15 sur la biodiversité en font partie. Depuis quelques années, la crise de l’habitation, notamment causée par des contraintes urbanistiques limitant la construction dans les milieux à proximité des services, est un autre exemple des effets délétères d’une planification mésadaptée aux défis contemporains. 

Actuellement, les urbanistes et les aménagistes ont du pain sur la planche. Le gouvernement exige que toutes les MRC mettent à jour leur schéma d’aménagement, avec une série de nouvelles exigences: faire des diagnostics régionaux des besoins en habitation, évaluer le potentiel d’accueil dans les milieux de vie existants pour prévenir l’étalement sur les milieux naturels et agricoles et optimiser les infrastructures, documenter l’état des ressources hydriques, identifier et consolider les corridors écologiques, etc.

Vaste programme. 

Encore faut-il que les principes de la PNAAT percolent au-delà de la révision des schémas. Que l’État devienne exemplaire. Qu’il ne défasse pas d’une main ce qu’on tente de construire avec l’autre, notamment par ses choix en matière d'infrastructures. 

« Exemplarité de l’État », ce sont des mots qui étaient sur toutes les lèvres le 29 septembre dernier. Parce que dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’environnement, d’architecture, de localisation des bâtiments publics, de mise en valeur du patrimoine, tout est encore à faire. Les exemples de mauvaises décisions sont encore beaucoup trop nombreux. 

Le mot « inachevé » aussi, décrit bien cette politique nationale. Certes, nous n’en sommes qu’à la troisième année du plan de mise en œuvre, mais déjà plusieurs voyants sont au rouge. Dans le contexte de resserrement budgétaire, plusieurs des personnes qui avaient été embauchées dans la dernière année pour accompagner les MRC dans la révision de leur schéma d’aménagement ont été récemment mises à pied. Même chose du côté du Bureau de valorisation de l’architecture, nouvelle instance créée dans le sillon de la PNAAT avec pour mission d’élever la qualité architecturale au Québec et d’assurer une meilleure gestion du patrimoine bâti de l'État. Des économies de bouts de chandelles, mais un coup de frein dommageable!

Alors que l’on vit une crise environnementale, qui exige de protéger plus de territoire, et une crise de l’habitation qui nous pousse à construire beaucoup,  la responsabilité de changer les pratiques et de promouvoir le réaménagement des milieux de vie ne peut pas incomber uniquement aux décideurs locaux.

«Inachevée», c’est aussi le mot utilisé par Radio-Canada pour titrer l’entrevue accordée par Alexandre Lambert, ancien conseiller responsable de la PNAAT pour la ministre des Affaires municipales. La présence d’Alexandre au 10e anniversaire d’ARIANE a été particulièrement enrichissante. Il a évoqué le chemin parcouru, les difficiles arbitrages et les collaborations avec l’alliance ARIANE pour réussir à faire atterrir la politique nationale. 

Prise de parole d'Alexandre Lambert lors des dix ans de l'alliance ARIANE. Source: Vivre en Ville.

Parmi les idées qu’il préconisait lors de l’élaboration de la PNAAT, et qu’il préconise toujours: utiliser une partie des revenus du marché du carbone pour aménager  des milieux de vie adaptés à la nouvelle réalité des changements climatiques. Des milieux de vie axés sur la mobilité durable et offrant de nouvelles habitations abordables, c’est exactement ce que finance en Californie le programme Affordable Housing and Sustainable Communities, un exemple dont le Québec gagnerait à s’inspirer. 

Beaucoup de chemin reste donc à parcourir pour réussir la réforme de l’aménagement du territoire au Québec. Mais l’occasion est historique: au cours des deux prochaines années, la révision des schémas d’aménagement et de développement ouvrira la voie à un nouveau cycle d’action. Dès l’automne 2026, l’élaboration du prochain plan de mise en œuvre devra prendre le relais pour maintenir l’élan et assurer que la Politique nationale reste vivante et actuelle - comme le prévoit désormais la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, l’un des gains majeurs obtenus par l’alliance ARIANE!  

Événement des dix ans de l'alliance ARIANE. Source: Vivre en Ville.

Notice bibliographique recommandée :

PAGÉ-PLOUFFE, Samuel (2025). Une décennie de travail pour un meilleur aménagement du territoire. Vivre en Ville. Carrefour.vivreenville.org.

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