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Les reculs environnementaux ne paient pas

Rien n’indique qu’il est possible de séduire les Québécois – majoritairement favorables à la réduction des carburants fossiles – en sacrifiant les mesures de protection de l’environnement.

Cliquez ici pour consulter la lettre dans La Presse

Vivre en Ville

François Legault emboîtera-t-il le pas de ces politiciens qui, depuis l’arrivée de Donald Trump, sacrifient les mesures de protection de l’environnement dans l’espoir que cela passera pour de la fermeté et de l’action décisive aux yeux de la population?

«On est tous d’accord pour protéger l’environnement. Mais on ne peut plus bloquer le développement avec des délais d’autorisation interminables. Le nouveau ministre de l’Environnement va être responsable de faire le ménage dans toutes ces règles et ces délais d’autorisation. Il va aussi revoir complètement le Plan pour une économie verte […]», a-t-il affirmé lors du dernier remaniement ministériel.

On pourrait y voir un message subliminal: si ça va mal pour vous autres, c’est à cause des maudites politiques environnementales qui vous font payer plus cher votre essence et qui (pourquoi pas?) accroissent le prix de vos maisons et de vos loyers, vous empêchent d’avoir un médecin de famille, multiplient les cônes orange dans nos rues et bloquent les projets visionnaires comme le troisième lien.

Plusieurs acteurs jouent déjà dans ce mauvais film, du premier ministre canadien Mark Carney à celui de l’Ontario Doug Ford, le président français Emmanuel Macron et, bien sûr, dans le premier rôle, Donald Trump qui fait du démantèlement des mesures de protection de l’environnement un marqueur identitaire dans la guerre culturelle qui se joue aux États-Unis.

Loin d’une action rationnelle ou courageuse, il y a avant tout, dans ces reculs, quelque chose comme un aveu d’impuissance de la part de ces politiciens quant à leur capacité à s’attaquer aux enjeux qui inquiètent avec raison la population. Quand on ne parvient ni à freiner l’emballement des coûts de l’habitation et des aliments, ni à améliorer l’accès aux soins de santé ou à tenir tête aux agressions tarifaires, on paraît impuissant, dépassé, insignifiant.

Pour montrer qu’on agit, on s’attaque alors, curieusement, au seul domaine où nos gouvernements ont été proactifs dans les dernières années, et où ils ont commencé à réussir à changer des choses, très souvent pour le mieux. Notre économie devient moins polluante et plus efficace, nos villes et villages se transforment en milieux de vie plus agréables, des grands projets de transport – comme le prolongement de la ligne bleue à Montréal et le tramway de Québec – avancent (enfin !).

En s’attaquant à l’environnement pour faire diversion, François Legault rejoindrait la liste des politiciens qui semblent incapables de proposer de vraies solutions aux nouveaux défis qui nous assaillent.

La différence québécoise

Or, je ne crois pas que la grande majorité des Québécois associent leurs problèmes actuels à un excès de zèle environnemental. Bien plus, il n’existe pas de mécontentement profond sur le sujet, particulièrement au Québec.

Le dernier baromètre municipal de Léger Marketing est très révélateur⁠: plus de 80 % des répondants veulent que leur futur maire ou mairesse s’investisse dans la lutte contre les changements climatiques, et moins de 10 % ne le veulent pas, des chiffres très forts.

À l’échelle canadienne, la différence entre le ROC et le Québec est frappante. Par exemple, dans l’un des derniers sondages Angus Reid sur l’énergie, 60 % des Québécois préfèrent réduire ou éliminer les carburants fossiles que d’appuyer leur développement, alors que les habitants du ROC pensent majoritairement le contraire.

S’attaquer à l’environnement ne constitue ainsi pas à ce jour une stratégie politique gagnante. Éric Duhaime l’a appris dans Arthabaska, pourtant un terreau considéré fertile.

Personne au Québec ne se réveille en détestant le marché du carbone ou les processus du BAPE, au contraire, on se distingue en continuant de soutenir l’action climatique. La classe politique responsable doit en prendre acte et renforcer cette cohésion québécoise au lieu de la miner.

Ne perdons pas de vue les préoccupations permanentes – comme l’environnement et les changements climatiques, mais aussi l’équité sociale – sous prétexte de s’attaquer aux priorités conjoncturelles, si aiguës soient-elles.

Les leaders dont nous avons besoin sont ceux qui répondent avec audace aux enjeux de l’heure les plus criants, comme la crise de l’habitation et de l’itinérance, tout en gardant le cap sur les principaux défis de l’époque, comme les changements climatiques.

C’est à cela que l’on reconnaîtra les vrais leaders en cette période chaotique et imprévisible dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

Parce que le pire, c'est qu'à force de répéter que la protection de l'environnement est un problème, ils finiront par en convaincre d'autres et, dans une prophétie auto-réalisatrice, transformer le quasi-consensus québécois en conflit politique... qui se fera sur le dos des générations futures.

Notice bibliographique recommandée :

SAVARD, Christian (2025). Les reculs environnementaux ne paient pas. Vivre en Ville. Carrefour.vivreenville.org.

  • Auteur Christian Savard
  • Date de publication 15 septembre 2025
    Date de mise à jour 17 septembre 2025

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