Cela fait presque 25 ans que je travaille sur des enjeux environnementaux. Ça me donne un peu de recul, ce qui me permet parfois d’être rassuré – et conduit parfois à m’inquiéter davantage. C’est la rançon de l’expérience, je suppose.
Vous me voyez venir: je m’inquiète de voir ces enjeux balayés sous le tapis de nos angoisses du moment, si réelles soient-elles.
En 2019, le Québec et le monde ont connu leurs plus grandes manifestations environnementales. C’était décidé: la jeunesse ne laisserait pas détruire la planète. Toutes les générations se ralliaient à son cri du cœur. Les gouvernements se faisaient talonner par la société civile et ce n’était plus tellement possible d’ignorer la crise climatique ou celle de la biodiversité.
Et puis, la pandémie est arrivée. De ce formidable élan de solidarité citoyenne, de dévouement des soignantes et soignants et de génie scientifique aurait pu sortir la volonté de s’attaquer, aussi efficacement qu’à un virus, à ce qui, dans notre mode de vie, détruit à petit feu notre environnement. Mais la pandémie a également été un long temps de fatigue et de privation à l’issue duquel nous avions, aussi, l’envie de profiter de la vie sans trop d’arrière-pensées. Au sortir de la pandémie, l’environnement, ce n’était plus aussi important.
Et maintenant, Trump et ses menaces brouillent à nouveau les cartes. L’urgence n’est plus de ne pas trop mourir de chaud dans 15 ans, elle est de sauver nos emplois le mois prochain. C’est humain.
C’est humain, mais c’est catastrophique. Les faits sont têtus. Les dégâts climatiques coûtent de plus en plus cher, année après année, même au Canada. De l’avis des compagnies d’assurance, la crise climatique est en voie de détruire le capitalisme et l’ensemble du système financier. On aimerait bien prendre une pause des crises environnementales, on aimerait bien soulager un peu nos entreprises le temps de négocier des accords économiques, on aimerait bien consommer tout ce qu’on veut. Mais cette pause, notre partenaire – le climat – ne nous l’accordera pas. On ne peut pas négocier avec le climat.
Mais nous avons une option pour préserver les écosystèmes et un environnement sûr pour les sociétés humaines, sans pour autant renoncer à notre qualité de vie. Une option prometteuse, attrayante, profondément structurante et terriblement économique. Mais une option déstabilisante, parce qu’elle tranche avec notre tendance à vouloir toujours plus et toujours plus gros.
Cette option, c’est la sobriété territoriale.
Oh, bien sûr, ça ne s’achète pas chez Tesla ni chez Amazon, la sobriété territoriale. Ça ne changera pas l’attitude de Donald Trump, mais ça va nous rendre plus forts, plus résilients et plus productifs. C’est, tout simplement, mieux utiliser le territoire, choisir l’existant, optimiser l’urbanisation. S’améliorer et s’enrichir tout le temps, parce qu’on grignote moins notre marge de crédit climatique tous les jours.
La sobriété territoriale, ce n’est pas un sacrifice. C’est une invitation à imaginer des milieux de vie dynamiques, où chaque espace compte et où chaque ressource est optimisée. C’est plus de rencontres impromptues et moins d’énergie gaspillée, des écosystèmes préservés et des commerces de proximité. C’est moins de routes à entretenir et plus de paysages à découvrir. C’est plus de beau et moins de banal.
Organiser la sobriété territoriale, c’est le défi qu’on vous invite à relever en participant au prochain Rendez-vous Collectivités viables de Vivre en Ville, le 10 juin prochain. Une brochette de panélistes, conférenciers et conférencières de renom et de grande qualité nous aideront à repenser nos territoires avec audace et vision.
L’essentiel de notre empreinte environnementale destructrice est le résultat de nos pratiques territoriales. On ne s’en sortira pas sans sobriété territoriale.
Et si l’objectif l’idée de protéger l’environnement ne vous motive pas, alors choisissez la sobriété territoriale pour votre compte de taxes. Depuis trois semaines, le gouvernement abandonne projet après projet de rénovation ou de construction de routes, d’écoles, de ponts, d'hôpitaux. Si on est incapable de suivre le rythme du remplacement des infrastructures, c’est parce que nous avons en avons beaucoup trop et que c'est mal construit!
Il faut freiner le gouffre budgétaire de notre embonpoint territorial. La sobriété territoriale, c’est moins de routes, d'égouts, d’aqueducs à entretenir, et des réseaux optimisés. C’est le meilleur deal en ville!
Vous avez le goût d’en discuter? On vous attend le 10 juin, à Montréal ou en ligne!
SAVARD, Christian (2025). Qui a peur de la sobriété territoriale?. Vivre en Ville. Carrefour.vivreenville.org.
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Auteur Christian Savard
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Date de publication 15 avril 2025Date de mise à jour 15 avril 2025
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