Un point huit million pour une seule chambre dans une maison des aînés. Un million pour un simple feu de circulation. Le budget de construction d’un pont-tunnel doublé en quatre ans. Un déficit total en maintien d’actifs qui s’est creusé de 20 milliards en sept ans. Nos infrastructures nous coûtent de plus en plus cher, et nous en avons de plus en plus à réparer.
Ce n’est pas seulement un problème de budget pour l’État et les municipalités. Sans infrastructures adéquates, comment sortir de la crise de l’habitation, comment faire face à la crise climatique, comment bâtir des collectivités résilientes, inclusives et prospères? Les infrastructures assurent notre santé et notre sécurité, permettent aux entreprises de produire, à la société de fonctionner.
Pour mettre à niveau nos infrastructures, nous avons quatre chantiers à ouvrir.
Premier chantier: baisser les coûts.
Nous sommes entrés dans un nouveau paradigme où le secteur privé peine à répondre à la demande publique, ce qui génère une spirale d’augmentation des prix. Mais l’explosion des coûts d’infrastructures a un caractère très particulier en Amérique du Nord, où plusieurs normes conduisent à surdimensionner les projets et les budgets. Remettre en question nos codes et normes pour viser des coûts de production plus proches de ceux qu’on observe dans les autres pays développés est un travail nécessaire et porteur.
Il semble aussi que nos processus décisionnels, comme la Directive sur la gestion des projets majeurs du Conseil du Trésor, alourdissent exagérément la planification et la réalisation des projets. Le manque de clarté des différentes étapes, qui tend à repousser la prise de décision, de même que la microgestion politique, compliquent énormément la vie aux concepteurs. Les provisions excessives pour risque doivent également être remises en question.
Par ailleurs, le manque de planification et de vision à long terme, particulièrement en mobilité, nous coûte très cher, notamment parce qu’un carnet de commandes trop court ou mouvant nous empêche de mettre efficacement en concurrence les consortiums de pointe. Donnons-nous une vision, garantissons de la prévisibilité et nous reviendrons en position de négociation et de succès.
Deuxième chantier: prioriser les investissements.
Notre parc existant d’infrastructures souffre d’un déficit d’entretien qui fait trop souvent les gros titres. Il devrait aller de soi de financer le maintien des actifs, plutôt que de développer de nouvelles infrastructures qui vont devenir, elles aussi, des fardeaux à entretenir. C’est particulièrement vrai pour le réseau autoroutier, donc on disait déjà, il y a 15 ans, qu’il était parvenu «à maturité». Depuis, on a consacré neuf milliards de plus à étendre le réseau routier supérieur, et son mauvais état est aujourd’hui notre plus gros problème en matière de maintien d’actifs.
Lorsqu’on choisit de construire de nouvelles infrastructures, ce doit être celles dont nous avons besoin pour mieux traverser les crises, au premier rang desquelles le défi climatique. La Banque mondiale le recommandait déjà en pleine pandémie: nous devons prioriser les investissements dans les projets et les réseaux qui vont contribuer à nous libérer des énergies fossiles et du gaspillage énergétique, et non pas renforcer notre dépendance. La santé, la mobilité durable, l’éducation sont des priorités pour bâtir une société forte.
Troisième chantier: sécuriser les revenus.
À la lumière de la décote du Québec et de l’état de nos actifs, il apparaît nécessaire de trouver une solution budgétaire durable pour financer nos infrastructures. Pour le réseau routier supérieur, on avait créé un bon système avec le Fonds des infrastructures de transport terrestres (FORT). Mais l’objectif initial de faire assumer les coûts du réseau par ses bénéficiaires s’est éloigné, et ce sont maintenant nos impôts qui règlent le déficit du FORT – de deux milliards, seulement pour l’année 2025-2026 –, ce qui prive d’autant de fonds nos écoles et nos hôpitaux.
Nous avons urgemment besoin de sources dédiées au renouvellement des infrastructures, pour assurer un financement pérenne, prévisible et suffisant. Tant que nous ne réglons pas le problème, nous creusons une dette qui coûtera, plus tard, plus cher à assumer – sans parler de toutes les opportunités manquées entre-temps en raison du déficit d’infrastructures.
Quatrième chantier: augmenter la qualité des projets.
Il faut réduire les coûts, mais il faut aussi, dans certains cas, choisir de payer plus cher pour une infrastructure afin d’éviter de créer un nouveau problème ou de contribuer à résoudre un problème existant. Bâtir un équipement public sur un terrain contaminé, par exemple, cela coûte plus cher que le faire sur un milieu naturel ou agricole; mais tous comptes faits, c’est rentable. Souvent, il faut investir plus initialement pour réduire, sur le long terme, les coûts d’opération et d’entretien.
Ces quatre chantiers sont essentiels pour nous permettre de nous équiper des infrastructures dont nous avons besoin pour nous soigner, nous former, soutenir la vitalité des collectivités et favoriser l’épanouissement de tous et toutes.
Pour les ouvrir, nous nous rallions à la proposition de la mairesse de Longueuil de tenir des états généraux sur le financement des infrastructures. La situation actuelle est intenable.
SAVARD, Christian (2025). Combler notre déficit en infrastructures. Vivre en Ville. Carrefour.vivreenville.org.
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Auteur Christian Savard
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Date de publication 13 mai 2025Date de mise à jour 15 mai 2025
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