PUM 2050: Des unités pleines, c'est bien, mais des unités vides, c'est mieux
Le dépôt du projet de Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) 2050, un document fondateur pour l’avenir de la Ville de Montréal, est une rare opportunité de jeter des nouvelles bases pour une sortie de crise durable en habitation. Bien peu d’outils municipaux sont aussi efficaces qu’un bon plan d’urbanisme, quand on veut changer la donne. Or, pour que les résultats soient au rendez-vous, ça prend une cible engageante.
La mesure de notre succès en habitation passe par notre capacité à créer et entretenir un espace disponible, pour être en mesure de répondre aux besoins dynamiques de millions de personnes. Ça veut donc dire qu’il faut accrocher nos objectifs de construction non pas à un nombre d’unités, mais bien à un taux d’inoccupation.
De combien d’espace libre avons-nous vraiment besoin? Les chiffres disponibles indiquent que la croissance des loyers tombe sous l’inflation quand le taux d’inoccupation atteint 7%.
Sous-estimer les besoins, ça va coûter cher
Le projet de PUM propose de se doter d’une cible d’unités neuves pour répondre à la croissance démographique anticipée. Dans les premières pages du premier chapitre, on rapporte que
D’ici 2050, Montréal pourrait compter une population de 2,1 millions de personnes, soit une augmentation de l’ordre de 350 000 personnes par rapport à 2021.
La logique conventionnelle veut qu’on construise pour loger ces nouveaux voisins. Cette manière de faire occulte un problème bien réel: la crise de l’habitation qui secoue la métropole aujourd’hui-même.
Les conséquences de la sous-offre actuelle sur la population montréalaise sont pourtant connues. Plusieurs ménages sont prisonniers de leur logement, faute de choix, obligés de se contenter de la seule option envisageable dans le marché. On se doit également de reconnaître que des personnes qui voudraient habiter à Montréal ne le peuvent tout simplement pas, et sont donc contraintes d'aller ailleurs, voire se retrouvent carrément dans la rue.
En étant trop timide par rapport aux besoins actuels, on sous-estime aussi les besoins futurs. Au risque de ressasser des évidences, pas un des Montréalais qui dort dehors ne devrait y passer une seconde de plus.
La sous-estimation chronique des besoins en habitation nous coûte déjà cher. La santé, la dignité et la prospérité des ménages sont directement attaquées par la hausse du coût de l’habitation. Il va sans dire que la santé de la ville repose, elle aussi, sur celle des personnes qui y habitent.
Plaidoyer en faveur des unités vides
Poursuivre dans la lignée actuelle et livrer un strict minimum d’unités neuves donnerait donc un résultat inévitable: garder le parc immobilier plein à craquer. Ça aide certainement, mais ce n’est pas un plan de sortie de crise. Bien qu’on puisse se réjouir de voir de belles nouvelles maisons habitées, pour donner de l’air aux ménages asphyxiés par la crise, ça prend plutôt des unités vides.
Nous proposons la cible de 7% parce que les données historiques nous indiquent que ce sont les conditions dans lesquelles le pouvoir d’achat de la population progresse réellement. En effet, à l’atteinte de ce point de basculement, la croissance des loyers tombe sous l’inflation. Ça veut fonctionnellement dire qu’à revenus égaux, la population est en mesure de se loger un peu mieux. Pour nous donner un indice du chemin à parcourir: en septembre 2024, l’inflation générale se chiffrait à 1,6 %... mais celles des services en habitation était à 8,2 %!
Inverser ces tendances requiert des mesures équivalentes de lucidité, de rigueur et d’imagination. On parle ici d’un chantier d’une grandeur pratiquement sans précédent. Nous estimons toutefois qu’il est primordial que le PUM se fixe des objectifs qui seront en mesure de veiller à la dignité, la liberté et la prospérité de chacun de ses résidents.
Pour s’y rendre, aucun outil ne peut être négligé: fiscalité, réglementation, subvention, opportunisme et leadership. La valorisation du secteur OBNL comme moteur d’innovation et de productivité est particulièrement importante, dans la mesure où il peut agir comme une locomotive pour livrer continuellement des unités au prix coûtant.
Payer notre dette d’espace et maintenir une offre abondante est un volet fondamental de la santé de notre marché immobilier résidentiel, et donc un déterminant primordial de notre santé collective. Pour le Montréal de 2050, des unités pleines, c’est bien, mais des unités vides, c’est nécessaire.
Adam MONGRAIN & SAVARD, Christian (2024). PUM 2050: Des unités pleines, c'est bien, mais des unités vides, c'est mieux, Vivre en Ville. Vivreenville.org.
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Auteurs Adam Mongrain , Christian Savard
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Date de publication 16 octobre 2024
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