Projet de règlement - déclaration énergétique des bâtiments
Dans le cadre de la préconsultation sur le Projet de règlement en matière de déclaration des données énergétiques des bâtiments, Vivre en Ville a soumis son avis au Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

Avant le dépôt officiel du règlement, le MELCCFP a tenu une préconsultation sur le Projet de règlement en matière de déclaration des données énergétiques des bâtiments. La préconsultation s’est tenue de décembre 2024 à janvier 2025, Vivre en Ville y a participé. Nous vous présentons ici les grandes lignes de notre avis ainsi que quelques éléments de contexte.
D’entrée de jeu, soulignons que le secteur des bâtiments (résidentiel, commercial et institutionnel) a émis 7,6 Mt éq. CO2 en 2022, soit 9,5% des émissions de gaz à effet de serre du Québec. Simultanément, le secteur des bâtiments était responsable de 33% de la consommation d’énergie du Québec en 2022. Plus précisément, 343 PJ, soit 19 % de la consommation totale d’énergie, était attribuable au secteur résidentiel et 223 PJ, soit 14% de la consommation totale d’énergie, était attribuable au secteur commercial et institutionnel.
Un retour sur la préconsultation sur le Projet de règlement en matière de déclaration des données énergétiques des bâtiments s’impose aujourd’hui puisque, non seulement la publication du règlement officiel est attendue au printemps, mais la mise à jour du Plan de mise en œuvre (PMO) du Plan pour une économie verte 2030 (PEV 2030) est également prévue au printemps 2025.
Contexte
Le projet de règlement dont il est ici question découle de la Loi sur la performance environnementale des bâtiments qui a été sanctionnée en mars 2024. La loi pose les balises générales pour la mise en place d’un système de déclaration des données énergétiques, mais n’en précise pas les modalités. Par conséquent, ces dernières doivent être fixées via un ou des règlements.
Vivre en Ville s’est mobilisée sur le sujet dès la présentation en novembre 2023 du Projet de loi n°41 - Loi édictant la Loi sur la performance environnementale des bâtiments et modifiant diverses dispositions en matière de transition énergétique. Dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°41, Vivre en Ville a présenté à la Commission des transports et de l’environnement le mémoire Pour un cadre bâti décarboné, résilient et performant. C’est dans la continuité de cette mobilisation que Vivre en Ville s’est également prononcé sur le Projet de règlement en matière de déclaration des données énergétiques des bâtiments.
D’entrée de jeu, Vivre en Ville tient à souligner qu’elle accueille favorablement l’intention gouvernementale de mettre sur pied un registre de consommation énergétique ainsi qu’un système de cotation énergétique des bâtiments. En plus d’assumer une position de leader en Amérique du Nord, de telles initiatives permettront au Québec de mieux comprendre le parc immobilier et donc de mieux adresser les enjeux sectoriels.
Le projet de règlement soulève tout de même certains questionnements, nous jugeons qu’il gagnerait à être bonifié. Les principaux points soumis lors de la préconsultation sont résumés aux paragraphes suivants.
Calendrier
Il est intéressant que deux années rétroactives de consommation énergétique devront être déclarées lors de la première déclaration d’un bâtiment. Par la suite, il est prévu que les déclarations soient effectuées chaque année. Toutefois, le calendrier proposé par le MELCCFP, tel que détaillé ci-dessous, ne nous semble tout de même pas suffisamment ambitieux.
Tableau 1: Calendrier pour les premières déclarations énergétiques, tel que détaillé dans le projet de règlement du MELCCFP
Années civiles visées par la première déclaration |
Date limite pour soumettre la première déclaration |
Bâtiments ciblés |
2024 et 2025 |
30 juin 2026 |
- Institutionnels (bâtiments de l’État québécois) - Très grands bâtiments (plus de 15 000 m2 ou 150 unités d’habitation) |
2025 et 2026 |
30 juin 2027 |
- Grands bâtiments (5 000 à 14 999 m2 ou 50 unités d’habitation) |
2026 et 2027 |
30 juin 2028 |
- Moyens bâtiments (2 000 à 4 999 m2 ou 25 unités d’habitation) |
Nous proposons de devancer d’une année la déclaration pour les moyens bâtiments. Bien que cet objectif soit ambitieux, nous le considérons important pour que le Québec assume une position de leader en Amérique du Nord.
Tableau 2: Calendrier pour les premières déclarations énergétiques, tel que proposé par Vivre en Ville
Années civiles visées par la première déclaration |
Date limite pour soumettre la première déclaration |
Bâtiments ciblés |
2024 et 2025 |
30 juin 2026 |
- Institutionnels (bâtiments de l’État québécois) - Très grands bâtiments (+15 000 m2 ou 150 unités d’habitation) |
2025 et 2026 |
30 juin 2027 |
- Grands bâtiments (5 000 à 14 999 m2 ou 50 unités d’habitation) - Moyens bâtiments (2 000 à 4 999 m2 ou 25 unités d’habitation) |
Petits bâtiments
Selon le projet de règlement, les petits bâtiments, mis à part ceux institutionnels, ne sont pas inclus dans la première mouture de la réglementation concernant la consommation énergétique. Les réflexions sur un calendrier long terme qui inclut les petits bâtiments devraient débuter dès maintenant, tout comme les réflexions sur un format de déclaration simplifiée pour les petits bâtiments.
Nous constatons que le seuil utilisé par le MELCCFP pour tracer la ligne entre les «petits» et les «moyens» bâtiments diffère du seuil observé au règlement 23-046 de la Ville de Montréal. La Ville de Montréal définit un petit bâtiment comme un «bâtiment d’une hauteur d’au plus 3 étages et d’une aire de bâtiment d’au plus 600 m2». Bien qu'en pratique les deux définitions soient similaires, il est important que le portrait réglementaire soit cohérent à l’échelle du Québec afin de ne pas créer une confusion qui pourrait contribuer à démobiliser les actrices et acteurs du milieu.
Abordabilité résidentielle
Le projet de règlement sur la déclaration énergétique des bâtiments stipule qu’un rapport de vérification des données énergétiques réalisé par une tierce partie devra être soumis à tous les 5 ans, de manière aléatoire. Bien que l'intention nous paraît bonne, nous avons quelques réserves et questionnements à communiquer.
Nous craignons que le besoin à l’échelle du Québec d’obtenir des rapports de vérification entraîne la création d’un marché où de tels rapports seraient produits à fort coût, même lors des situations simples. En plus du coût, cette nouvelle responsabilité pour les propriétaires entraînera une certaine complexité organisationnelle. Nous craignons que, surtout si l’accompagnement gouvernemental n’est pas suffisant, les propriétaires se démobilisent.
De plus, la production d’un tel rapport de vérification aurait probablement un coût similaire que le bâtiment comporte 25 ou 100 logements. Ajoutons que la nouvelle réglementation touchera également le parc à but non lucratif. Il serait judicieux que le gouvernement prévoie des sommes dans les prochaines mises à jour du Plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte destinées spécifiquement à soutenir et accompagner les acteurs du secteur à but non lucratif dans leurs nouvelles responsabilités. Bien qu’à long terme une meilleure utilisation des ressources énergétiques soit bénéfique en matière d’abordabilité, nous affirmons que les impacts à court terme sont à surveiller.
Afin de réduire la fréquence nécessaire des rapports de vérification réalisés par une tierce partie, ou encore d’en simplifier leur contenu, le MELCCFP gagnerait à explorer diverses avenues.
Premièrement, il serait judicieux que le cadre réglementaire soit modifié de manière à ce que les distributeurs d’énergie puissent transmettre les données de consommation directement au MELCCFP. De cette manière, une partie des données déclarées pourrait être validée grâce aux données transmises par les distributeurs d’énergie.
En second lieu, des moyens technologiques pourraient être utilisés pour identifier des données de déclaration aberrantes, par exemple en cas de variation importante de la consommation d’énergie d’un bâtiment d’une année à l’autre. Des vérifications ciblées pourraient par la suite être effectuées par le MELCCFP.
Accompagnement, transparence et gestion des données
Afin de bonifier la mise en application du futur règlement sur la déclaration de la consommation énergétique, nous souhaitons insister sur l’importance de communiquer efficacement sur les ressources offertes ainsi que sur les évolutions réglementaires envisagées. Plus spécifiquement, il sera important d’informer l’ensemble des parties prenantes sur:
-
les sanctions prévues;
-
l’accompagnement prévu pour guider les déclarants;
-
la fréquence envisagée de révision des modalités réglementaires.
Les données collectées via le futur règlement seront de grande valeur. Afin d'aiguiller et mobiliser la société civile, il est important que le MELCCFP publie un rapport annuel public sur les données déclarées. Ce rapport devrait contenir le pourcentage de conformité selon les différents types de bâtiments ciblés. Des tableaux accompagnant ce rapport devraient également compiler diverses données sur la consommation d’énergie selon les types de bâtiments ciblés (taille, fonctions, situation géographique, etc.).
Les données collectées grâce à ce règlement permettront de constituer une base de données substantielle qui, en plus de guider le gouvernement, pourrait bénéficier à de grand nombre d’actrices et acteurs du milieu de la recherche et de la société civile. Il importe donc que la base de données soit bâtie et organisée de manière cohérente avec les autres bases de données gouvernementales et municipales (ex.: taxes municipales, impôts, registres fonciers, etc.) afin de permettre une analyse fine des données qui y seront recueillies.
En conclusion
La Loi sur la performance environnementale des bâtiments a débloqué plusieurs possibilités pour le gouvernement. Tous les règlements découlant de cette loi ne seront pas mis en œuvre au même moment. Toutefois, il est essentiel de commencer l'élaboration des autres règlements dès maintenant. Le travail de réflexion et les consultations doivent débuter avant que le règlement de divulgation de la performance énergétique soit en vigueur et que sa mise en œuvre soit complétée. Pour affirmer davantage le leadership du gouvernement et assurer une prévisibilité au secteur du bâtiment, les règlements portant sur le système de cotation de la performance des bâtiments et sur normes minimales de performance environnementale des bâtiments devront suivre rapidement.
Références:
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2024a). Préconsultation sur le Projet de règlement en matière de déclaration des données énergétiques des bâtiments [en ligne].
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2024b). GES 1990-2022: inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2022 et leur évolution depuis 1990 [en ligne]. 66 p.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2024c). Plan pour une économie verte 2030: le plan de mise en œuvre [en ligne].
QUÉBEC (2024). Loi sur la performance environnementale des bâtiments [en ligne], Éditeur officiel du Québec.
VIVRE EN VILLE (2024). Pour un cadre bâti décarboné, résilient et performant [en ligne]. 34 p. [vivreenville.org].
WHITMORE, J. ET PINEAU, P.-O. (2025). État de l’énergie au Québec 2025, Chaire de gestion du secteur de l’énergie - HEC Montréal, rapport préparé pour le gouvernement du Québec [en ligne]. 77 p.
VIVRE EN VILLE (2025). Projet de règlement - déclaration énergétique des bâtiments. Carrefour.vivreenville.org.
-
Date de publication 28 mars 2025Date de mise à jour 28 mars 2025
-
Thèmes associés