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Le taux d'inoccupation comme reflet de l'abordabilité

Série: Mesurer les milieux de vie complets

Un milieu de vie ne peut être complet sans une offre résidentielle abordable. Cette «Note de recherche» explore comment le taux d’inoccupation peut devenir un indicateur clé dans l'évaluation de cet enjeu.

Source: Vivre en Ville.

Les «Notes de recherche» de Vivre en Ville offrent un espace informel où des membres de l’équipe présentent un aperçu de leurs travaux en cours. Chaque article est l’occasion de partager des références pertinentes, des réflexions et des questionnements qui les animent.

Dans la série Mesurer les milieux de vie complets, l’équipe s'intéresse aux qualités essentielles de ces milieux et des balises que l’on pourrait se donner pour mieux les planifier.

Qu’est-ce qui caractérise un milieu de vie complet? Comment évaluer la performance de différents milieux à cet égard? Vivre en Ville s’est donnée la mission de trouver réponses à ces questions afin d’outiller les acteurs de l’aménagement dans la planification de milieux de vie complets, autant en matière d’habitation, de destinations, que de mobilité.


Pour qu’un milieu de vie soit complet, une diversité de personnes doit pouvoir y habiter. Dans ce contexte, la première condition d'accès est sans contredit l'abordabilité. Si l’abordabilité se mesure mal directement, on peut néanmoins mesurer les conditions de marché qui la permettent.

La surenchère en matière de loyers indique bien le débalancement entre l’offre et la demande de logements. Plus les logements se font rares par rapport à la demande, plus la compétition entre les locataires pour accéder à un logement est vive. Cette compétition accrue penche en faveur des propriétaires qui ont le pouvoir de fixer un loyer en fonction de la forte demande. Ainsi, le taux d’inoccupation des logements locatifs paraît le meilleur indicateur pour mesurer l’écart entre l’offre et la demande qui influence directement la compétition entre les locataires lors d’une recherche de logement.

Il n’existe pas de mesure parfaite du taux d’inoccupation pour les marchés locatifs au Québec. La meilleure mesure que nous avons est l’étude annuelle du marché locatif réalisée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), qui publie une estimation du taux dans plusieurs sous-marchés. Ce taux d’inoccupation représente le pourcentage de logements locatifs dans des immeubles de trois logements et plus qui sont disponibles dans les centres urbains de plus de 10 000 habitants (SCHL, 2024a). Ainsi, plus grande sera la proportion de logements disponibles à la location, plus les locataires pourront choisir parmi une offre variée de logements. A contrario, plus faible sera la proportion de logements disponibles à la location, plus forte sera la compétition entre futurs locataires et, par le fait même, la surenchère pour permettre à ceux-ci d’accéder à un logement.

Si le taux d’inoccupation ne permet pas d’évaluer si l’habitation est chère ou non, il permet de bien déceler à quel point on peut s’attendre à ce que les loyers augmentent, se stabilisent ou baissent pour les locataires (Herriges, 2020). Ainsi, un taux élevé nous indiquera que le marché tend à favoriser les locataires et un taux bas nous indiquera plutôt que le marché résidentiel tend à favoriser les locateurs, comme c’est le cas aujourd’hui partout au Québec. Par exemple, en 2024, le taux d'inoccupation au Québec était de 1,8%, de 2,1% à Montréal et de 0,9% à Rimouski (SCHL, 2024a). Ces taux alarmants démontrent que l’accès aux milieux de vie est mis à mal. Comment alors considérer qu’un milieu soit complet si on ne peut espérer s’y loger à un coût raisonnable et ainsi permettre à une diversité de personnes de profiter des bienfaits de vivre dans un milieu de vie complet?

Quel taux cibler?

Il est généralement suggéré qu’un taux d’inoccupation permettant un équilibre dans le marché résidentiel serait de 3%. Cependant, l’origine de ce point de référence est inconnue. Il est d’ailleurs intéressant de souligner qu’aucun des documents officiels de la SCHL, qui produit les études annuelles sur le marché locatif, ne recommande un taux d’inoccupation de 3% ou même indique qu’il représente un équilibre. Ce que nous savons, c’est que la moyenne historique du taux d’inoccupation, depuis le début des études sur les marchés locatifs, se situe autour de 3%. Or, cette moyenne n’est pas le reflet d’une distribution égale ou souhaitable du pouvoir entre acheteurs et vendeurs dans le marché locatif. C’est simplement une observation de ce que nous avons réussi à faire, et non pas un guide pour orienter ce que nous devrions faire à l’avenir.

Considérant que notre travail cherche avant tout à mettre de l’avant des façons de rendre l’habitation dans les milieux de vie complets le plus accessible possible, un taux idéal ne devrait pas viser à garantir une appréciation des valeurs marchandes des logements, mais bien à permettre au plus grand nombre possible de personnes de se loger à coût raisonnable. 

Donc, quel taux d’inoccupation cibler pour favoriser l’abordabilité? Certains exemples indiqueraient qu’un taux d’inoccupation qui stabiliserait les loyers serait bien supérieur à 3%. Le signal que nous avons atteint la cible serait de voir la croissance des loyers de passer sous l’inflation générale pendant une période donnée, et ainsi permettre aux locataires de ne pas s’appauvrir à mesure que leur loyer augmente annuellement. 

Si on prend le cas québécois en exemple, dans le graphique ci-dessous (SCHL, 2024b, 2024c; Statistique Canada, 2024), on peut constater que les loyers étaient relativement stables et bas lorsque le taux d’inoccupation avoisinait 7%. De plus, il apparaît que la progression des loyers se retrouve sous l'inflation (indice de prix à la consommation) seulement quand le taux d'inoccupation est élevé comme on peut le voir entre 1995 et 1998. On constate également que lorsque le taux d’inoccupation se situait entre 3% à 4,5% de 2013 à 2018, les loyers progressaient tout de même plus rapidement que l’inflation. Ces données peuvent donc nous laisser croire qu’un taux plus élevé que 3% serait nécessaire pour maintenir un équilibre pérenne dans la variation annuelle des loyers. Cet équilibre souhaitable s'exprimerait donc dans une offre résidentielle proposant un réel choix aux locataires grâce à un taux suffisamment élevé pour permettre une compétition entre les propriétaires.

Source: SCHL, 2024b, 2024c; Statistique Canada, 2024

Nos recherches en cours indiquent même qu’un taux davantage favorable aux locataires serait plus près de ou supérieur à 7% (Anari et Hunt, 2018; Neas, 2024; Rent Research, 2024; Stark, 2023). Ce serait donc à partir d’un tel taux qu’on pourrait s'attendre à voir les conditions de marché s’améliorer pour les locataires puisque la croissance des loyers passerait sous l'inflation. 

C’est ce qui a été observé à Austin au Texas. Après une montée fulgurante du loyer médian entre l’hiver 2021 et le printemps 2022, il a chuté de 25,8% entre mai 2022 et novembre 2023 (Rent Research, 2024). Cette baisse a été la plus forte aux États-Unis pendant la même période (Stark, 2023). Cette baisse est attribuable en partie à la montée du taux d’inoccupation, qui atteignait 9% en juin 2024 (Neas, 2024). Ce taux élevé résulte de la construction massive de logements. En effet, en 2022-2023, Austin a été la ville qui a émis le plus de permis de construction résidentielle de tous les États-Unis (Stark, 2023).

Plus récemment, le cas de Denver au Colorado est à surveiller puisqu’on a pu y observer une baisse de 3,6% du loyer moyen lors de la seconde moitié de 2024 alors que le taux d’inoccupation a augmenté partout dans la région métropolitaine, atteignant même les 8 à 9% dans certains secteurs (Svaldi, 2025). À Denver même, le taux d’inoccupation a atteint 7,5%. Cette hausse du taux d’inoccupation n’est pas due à des problèmes économiques, mais bien à un contexte dans lequel l’offre résidentielle dépasse finalement la demande. En effet, la région métropolitaine de Denver a vu son rythme annuel de construction doubler par rapport aux dernières années pour atteindre 20 000 nouveaux logements.

Force est de constater que la quête d’un taux d’inoccupation «idéal» est plus complexe qu’il n’y paraît. Ceci étant dit, nos recherches indiquent tout de même que de cibler un taux de 3% serait vraisemblablement loin d’être adéquat pour protéger le pouvoir d’achat de la population. 

Pour aller plus loin que cet indicateur

Le taux d’inoccupation ne dit pas tout. D’abord, parce que les taux tels que calculés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL, 2024d) ne s’intéressent qu’à une portion du parc résidentiel des municipalités de plus de 10 000 habitants. Ainsi, si une municipalité n’a que très peu de logements locatifs contenus dans des immeubles de trois logements, l’indicateur du taux d’inoccupation n’offrira qu’un portrait partiel de la disponibilité résidentielle. Ceci dit, comme les logements locatifs représentent la façon la plus facile d’accéder à l’habitation, on peut considérer que le taux donne au moins un portrait juste pour la partie la plus importante du parc résidentiel en matière d'accessibilité.

De plus, lorsqu’il est temps de mesurer le caractère «complet» d’un milieu de vie, l’indicateur n’est pas une fin en soi. Par exemple, le taux d’inoccupation ne nous informe pas sur la répartition des logements disponibles au sein même du territoire d’une municipalité ou d’un arrondissement. Théoriquement, le taux d'inoccupation ne pourra pas nous révéler si les logements disponibles se situent dans des milieux de vie complets ou non. Le taux ne nous offrira pas non plus d’information sur la diversité et la qualité des logements. Ainsi, comme pour tout indicateur, le taux d’inoccupation devrait être jumelé à d’autres indicateurs pour permettre de brosser un portrait nous permettant d’évaluer plus finement le volet résidentiel d’un milieu de vie complet.


Références

ANARI, Ali et Harold D. HUNT (2018). «Steady As She Goes – Texas Apartment Markets Recovering», Corridor News. [En ligne]
HERRIGES, Daniel (2020). «What Vacancy Rates Tell You About a Housing Shortage (And What They Don't)», Strong Towns. [En ligne]
NEAS, Cora (2024). «Reports: Austin-Round Rock 15th in US for apartment vacancies; 66% of home listings ‘stale’», Kxan. [En ligne]
RENT. RESEARCH (2024). «Austin Market Report - Septembre 2024», Rent. Research. [En ligne]
SCHL [SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT] (2024a). «Québec – Taux d'inoccupation, selon le nombre de chambres Régions métropolitaines, agglomérations de recensement et villes», Portail de l’information sur le marché de l’habitation. [En ligne]
SCHL [SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT] (2024b). «Québec – Données historiques – taux d'inoccupation, selon le nombre de chambres», Portail de l’information sur le marché de l’habitation. [En ligne]
SCHL [SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT] (2024c). «Québec – Données chronologiques: variation en pourcentage (%) des loyers moyens, selon le nombre de chambres», Portail de l’information sur le marché de l’habitation. [En ligne]
SCHL [SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT] (2024d). «Méthode de l’enquête sur les logements locatifs», Méthodes d’enquête. [En ligne]
STATISTIQUE CANADA (2024). «Tendances des prix: 1914 à aujourd'hui», Outil de visualisation des données de l'Indice des prix à la consommation. [En ligne]
STARK, Sam (2023). «Austin rental prices continue to fall from record highs», Kxan. [En ligne]
SVALDI, Aldo (2025). «Metro Denver apartment rents plunge in fourth quarter as a blizzard of new units descend on market», Denver Post. [En ligne]
VIVRE EN VILLE (2022). Portes ouvertes [PDF]. 64 p. (coll. L’Index).

Contenu créé dans le cadre de

Projet «Optimiser l'urbanisation»

Ce contenu a été créé dans le cadre des activités du projet «Optimiser l'urbanisation», réalisé grâce à l'aide financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

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Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2025). Le taux d'inoccupation comme reflet de l'abordabilité: mesurer les milieux de vie complets. Carrefour.vivreenville.org

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