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Le soutien à domicile des aînés : un enjeu d'aménagement du territoire?

Cet article pour la Revue québécoise d'urbanisme articule les enjeux d’habitation et de vieillissement. Vivre en Ville y explore les façons dont les outils de planification stratégique des municipalités peuvent contribuer à la bonification du soutien à domicile des personnes aînées. 

Source : Vivre en Ville.
Cet article a initialement été publié dans la Revue québécoise d’urbanisme en Mars 2023. Il est reproduit ici avec autorisation.

Vivre en Ville propose d’articuler les enjeux d’habitation et de vieillissement en explorant les façons dont les outils de planification stratégique des municipalités peuvent contribuer à la bonification du soutien à domicile des personnes aînées. 

La proportion des personnes aînées ne cessera de croître au cours des prochaines décennies au Québec et, conséquemment, celle des personnes vivant avec des incapacités physiques ou mentales qui auront besoin de soutien à domicile (Statistique Canada, 2022). Cela justifie tant les efforts consentis par les gouvernements provinciaux depuis les années 1980 pour mettre à niveau les services de soins à domicile que les voix qui s’élèvent pour leur demander d’en faire plus et mieux (Maridat, 2022; Plourde, 2022).

Parallèlement, le Québec traverse une crise de l’habitation qui impacte la capacité des aînés à maintenir ou améliorer leurs conditions résidentielles. Plus que jamais, le logement figure parmi les défis prioritaires des municipalités. Bien que la possibilité de recevoir les services adéquats chez soi constitue un enjeu d’habitation à part entière pour les populations aînées, peu d'acteurs l'abordent dans cette perspective. Enfin, les approches d’aménagement du territoire favorables au vieillissement s’intéressent essentiellement aux façons de faciliter l’accès des personnes aînées à des milieux de vie complets, notamment à travers l’angle des activités et des services de proximité. À l’inverse, on ne retrouve à peu près pas de réflexions sur les gains en termes de soutien à domicile qui pourraient découler de l’organisation territoriale. 

Le vieillissement de la population motive donc différents chantiers en termes de soutien à domicile, en habitation et en aménagement du territoire, mais encore trop peu de vases communicants les relient. Quels sont les champs d’action que les municipalités peuvent investir ?

À défaut de proposer des recettes prêtes à l'emploi, Vivre en Ville espère plutôt ouvrir de nouveaux chantiers en posant ce problème. À terme, ces réflexions visent l'amélioration des conditions d’habitation des aînés et la résilience de nos collectivités. Il sera question des enjeux d’habitation et de vieillissement ainsi que de l’importance du soutien à domicile dans la trajectoire résidentielle d’une personne aînée, pour finalement esquisser quelques pistes de solutions qui articulent ces deux dimensions. 

Habitation et vieillissement : quelques particularités

La particularité des enjeux résidentiels des personnes aînées tient dans la perte d’autonomie - qui se manifeste à des degrés et des rythmes bien variables - et l'adaptation des conditions d'habitation qui en découle. Celle-ci peut prendre différentes formes, qui impliquent toutes leurs défis particuliers. 

D’abord, un ménage peut déménager dans un logement mieux adapté à ses nouveaux besoins. Le désir de se rapprocher des services, des commerces, des proches, ainsi que la volonté de réduire l’espace habitable à entretenir figurent parmi les critères de recherche. 

Le manque de diversité résidentielle, tant en termes d’abordabilité que d’accessibilité, constitue toutefois une barrière considérable à l’atteinte de ces critères, particulièrement lorsqu’on désire demeurer au sein de sa communauté. De manière générale, les faibles taux d'inoccupation offrent très peu d’options, particulièrement dans le marché locatif. 

Aussi, les revenus des personnes âgées n’augmentent pas au même rythme que la valeur des biens immobiliers. Un décalage s’observe entre leurs capacités financières et les prix du marché. Dans plusieurs municipalités, des aînés souhaitent déménager, mais se butent à un marché devenu inabordable, dans un secteur qu’ils habitent depuis plusieurs décennies. 

Enfin, s’ajoute la difficulté d’obtenir les services requis dans son domicile dit traditionnel. Dans bien des cas, cela se traduit par un déménagement dans une résidence privée pour aînés (RPA). L’évolution du marché des RPA présente aussi des contraintes pour les ménages des petites et moyennes municipalités qui souhaitent déménager, mais demeurer dans leur communauté. On observe la consolidation des RPA de 100 logements et plus dans les grands centres couplées à la décroissance de celles de petite taille dans les municipalités périphériques. Par ailleurs, les RPA à but lucratif ne sont pas à la portée des personnes vieillissantes aux moyens financiers limités. Le modèle de l’habitation communautaire s’avère une option de choix à cet égard.

La Cité les 3R, située St-Jérôme, est un projet à but non lucratif favorisant la mixité sociale, où se côtoient des personnes aînées, des familles et des personnes ayant des besoins particuliers. Source : Vivre en Ville

La possibilité de demeurer chez soi, avec le soutien à domicile adéquat, constitue une stratégie d’adaptation des conditions résidentielles supplémentaires pour les ménages aînés. D’abord parce qu’il s’agit des préférences résidentielles de plusieurs aînés de demeurer dans leurs résidences, puis parce que les conditions du marché de l’habitation leur sont austères. Cette alternative s’avère elle aussi bien imparfaite, notamment en raison de l’offre déficiente des services qui peuvent se rendre à eux. Il importe donc de creuser les pistes de solutions que les municipalités peuvent adopter pour améliorer le soutien à domicile des aînés.  

Le soutien à domicile : au-delà des activités de proximité

Une collectivité dépourvue d’activités de proximité peut aussi contribuer au déménagement forcé d’une personne aînée. Certains villages québécois, même en croissance démographique, voient leurs commerces disparaître. Dans les milieux urbanisés, les activités de proximité sont de plus en plus éparpillées. La notion de proximité se perd alors que les distances à parcourir s’allongent. 

Les activités de proximité permettent aux aînés de répondre à leurs besoins quotidiens. Une offre riche et diversifiée (p. ex. l’accès à des commerces variés, des équipements municipaux, des services communautaires et de loisir, des services de santé) favorise le maintien des personnes vieillissantes dans leur milieu de vie (Vivre en Ville, 2019). 

Les environnements bâtis favorables au vieillissement actif sont essentiels pour permettre aux personnes vieillissantes de demeurer dans leur milieu de vie aussi longtemps qu’elles le souhaitent. Crédit : Vivre en Ville

Or, la présence d’activités de proximité sur un territoire ne suffit pas à répondre à tous les besoins de tous les aînés. En effet, les lieux ne sont pas toujours faciles d’accès (p. ex. chaînes de déplacements complexes, environnements bâtis hostiles aux piétons, bâtiments inaccessibles aux personnes à mobilité réduite). Ensuite, les personnes en perte d’autonomie se déplacent moins à l’extérieur du domicile et leur état de santé requiert des services plus soutenus et/ou plus spécialisés. La nature de certains services nécessite leur prestation dans le domicile de la personne aînée. On pense aux services d’entretien ménager ainsi qu’aux soins d’assistance à la personne (p. ex. l’aide au lever et au coucher). 

« Les services peuvent également se déplacer vers le domicile de la personne (...). Toutefois, cela suppose aussi une distance qui se traduit en temps et en coût de déplacement pour le prestataire de services, sans oublier que ce parcours peut aussi comporter des obstacles » (Séguin, 2011, p. 42).

Les services à domicile sont une composante importante du soutien à domicile. En plus du soutien offert par les proches aidants, les services aux aînés proviennent, entre autres, du réseau public, des entreprises d'économie sociale en aide à domicile (présentes dans les 17 régions administratives du Québec), du milieu communautaire (p. ex. popote roulante). Or, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, il faut s’assurer de faire intervenir « la bonne personne au bon moment » (Maridat, 2022). Les municipalités peuvent-elles faciliter l’atteinte de cet objectif? Comment peuvent-elles contribuer au virage vers le soutien à domicile?

En 1994, le gouvernement du Québec adopte le Cadre de référence sur les services à domicile, lequel accorde une attention particulière aux personnes aînées en perte d’autonomie. Puis, en 2003, la Politique de soutien à domicile Chez soi : Le premier choix stipule que le domicile doit toujours être la première option à considérer, dans le respect du choix des individus (MSSS, 2003). 

Le soutien à domicile comme enjeu d'aménagement du territoire 

Les municipalités peuvent contribuer à la bonification du soutien à domicile par des approches d'aménagement durable du territoire. Plusieurs de ces orientations sont déjà connues des urbanistes, mais sont rarement argumentées au profit du soutien à domicile. La densification urbaine, la localisation stratégique des logements et des activités, l’importance des centralités, ainsi que l’aménagement d’infrastructures permettant la mobilité active des aînés contribuent à créer des milieux de vie favorables à leur autonomie. 


Les milieux de vie compacts favorisent les trajets courts entre l’individu et les activités de proximité, ainsi qu’entre les prestataires de services à domicile et l’individu. Crédit : Vivre en Ville

Ces aménagements compacts facilitent également l’offre de soins et services à leur domicile. En effet, en consolidant l’offre de logements sur le territoire, ce sera, à terme, des trajets plus courts que les ressources devront parcourir. Ou encore, les ressources seront potentiellement plus proches de leurs bénéficiaires. En économisant sur les trajets parcourus non pas en optimisant les moyens de déplacement, mais bien les distances, ce sont tant la qualité que la quantité de soins et services offerts qui seront bonifiés pour un même investissement. L’aménagement de milieux de vie s'intéresse tant à la façon dont les aînés se rendent aux activités qu’aux façons dont les soins et services peuvent se rendre à eux. Le soutien à domicile s’inscrit dès lors à l’échelle du quartier ou de la municipalité, ce qui recompose l’échelle du problème à celle de l’urbaniste ou de l’aménagiste. 

Habitation, aménagement du territoire, soutien à domicile : pour une approche intégrée au profit des aînés

Afin de bonifier les conditions d’habitation des personnes aînées, Vivre en Ville propose donc de pousser plus loin les réflexions reliant l’aménagement du territoire au services de soutien  domicile.  On ne peut pas ignorer le déséquilibre de plus en plus important entre les responsabilités croissantes des municipalités et les conditions financières bien limitées avec lesquelles elles doivent composer. Il s’agit, en ce sens, d’un argument de plus pour réviser les modalités de financement des municipalités. 

Enfin, la bonification du soutien à domicile doit aller de paire avec l’augmentation et la diversification de l’offre résidentielle en général et en particulier pour les aînés. Ce n’est que par l’articulation de ces axes d’intervention entre l’offre de services à domicile, la disponibilité d’un large éventail de types d’habitations et l’intégration de ces dernières à des milieux de vie complets que nous parviendrons à mettre en place de façon durable de meilleures conditions d’habitation pour les aînés.

Références

Maridat, Q. (2022, 24 août). Appel des EÉSAD au prochain gouvernement: «Accélérez le virage vers le soutien à domicile!». Réseau de coopération des EÉSAD. https://eesad.org/2022/08/appel-des-eesad-au-prochain-gouvernement/
MSSS [Ministère de la santé et des services sociaux]. (2003). Chez soi : le premier choix. La politique de soutien à domicile. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2002/02-704-01.pdf
Plourde, A. (2022). Les agences de placement comme vecteurs centraux de la privatisation des services de soutien à domicile. Institut de recherche et d’informations socioéconomiques.https://iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2022/01/IRIS_Agence_PlacementSSS_web-VF.pdf 
Séguin, A. M. (2011). Le rôle des municipalités dans le soutien à une population vieillissante: vers une reconfiguration du système de soutien aux aînés. Diversité urbaine, 11(1), 39-58.
Statistique Canada. (2022). Portrait de la population croissante des personnes âgées de 85 ans et plus au Canada selon le Recensement de 2021. Statistique Canada.  https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/98-200-X/2021004/98-200-X2021004-fra.pdf 
Vivre en Ville. (2019). Des milieux de vie pour toute la vie: outils pour guider les municipalités dans l’aménagement d’environnement bâtis favorables à un vieillissement actif. https://vivreenville.org/media/915526/venv_milieuxdevie_br.pdf
Notice bibliographique recommandée :

VIVRE EN VILLE (2023). « Le soutien à domicile des aînés : un enjeu d'aménagement du territoire? ». Revue québécoise d'urbanisme, vol. 43, no 1, p. 13-15.

Cet article est paru dans la Revue québécoise d’urbanisme en Mars 2023.

Publiée trimestriellement, la Revue québécoise d’urbanisme présente entre autres des articles de fond, les nouveaux développements en matière de jurisprudence, des témoignages et des dossiers documentés sur les expériences menées ou en cours de réalisation en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

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