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Révision des zones inondables : catastrophe annoncée ou opportunité de repenser nos pratiques d’aménagement?

Terrain vacant résultant de démolitions dans le vieux Sainte-Marie après les inondations de 2019 (crédit: Vivre en Ville)

Au cours des dernières semaines, des inquiétudes quant aux impacts anticipés des changements à venir concernant la cartographie et la réglementation des zones inondables ont fait les manchettes. La publication prochaine de nouvelles cartes ainsi que d’un projet de règlement qui modifiera les règles d’aménagement est effectivement un bon moment pour se questionner collectivement sur les manières de limiter les impacts négatifs potentiels d’une nouvelle approche face au risque d’inondation pour les propriétaires et les municipalités. Toutefois, des nuances doivent être soulevées pour mieux comprendre la portée de cette réforme et pour réitérer l’importance de planifier l’adaptation aux inondations à une échelle plus vaste que celle des propriétés individuelles. 

Rappelons d’abord que les changements imminents sont annoncés et attendus depuis (trop) longtemps. La cartographie, comme la révision du cadre réglementaire, sont des mesures prévues au Plan de protection du territoire face aux inondations publié en 2020 par le gouvernement du Québec. Ce plan a vu le jour en réaction aux inondations majeures du printemps 2019 qui ont mis en lumière de nombreuses lacunes de notre gestion collective des risques liés aux inondations. 

L’une des lacunes qui avait fait consensus concernait notre connaissance des zones inondables: désuétude de certaines cartes, incohérences découlant de méthodes différentes et absence complète de données pour certains cours d’eau. Il était donc tout indiqué de se doter d’une méthode commune de cartographie basée sur les dernières avancées scientifiques et intégrant les changements climatiques. 

Une autre lacune majeure était l’absence de prise en compte de variables cruciales du risque dans la réglementation. Ainsi, deux secteurs inondés à la même fréquence mais avec des niveaux d’eau complètement différents (allant de quelques centimètres à plusieurs mètres) sont actuellement soumis aux mêmes règles, alors que le niveau de risque n’est pas du tout équivalent pour les bâtiments, les infrastructures et les personnes touchées. 

Améliorer notre connaissance des aléas auxquels nous allons faire face est fondamentalement une bonne chose si nous souhaitons nous y préparer. C’était aussi une mesure facile à mettre en place politiquement après les inondations de 2019. Maintenant, ce qui pourrait faire des remous et qui mérite un débat, ce sont plutôt les règles d’aménagement que nous nous imposerons collectivement sur la base de cette connaissance, ainsi que la manière de communiquer ces nouvelles informations aux parties concernées. 

Regardons de plus près quelques enjeux anticipés qui ont fait réagir : 

  • Oui, les nouvelles cartes iront au-delà de la zone de récurrence 100 ans, limite à partir de laquelle nous avions l’habitude, au Québec, de ne pas considérer le territoire comme inondable. Pourtant, les inondations de 2017 et de 2019 ont rappelé qu’un aléa dépassant cette limite est toujours possible. D’autres juridictions vont encore plus loin : la Saskatchewan, par exemple, encadre les interventions en zone inondable de récurrence 500 ans. Cet élargissement des zones inondables surprendra certains propriétaires, d’où l’importance que les règles qui leur seront imposées soient adaptées au niveau de risque réel, qui est généralement moindre dans ces zones. De toute façon, les secteurs inondés en 2017 et 2019 sont majoritairement déjà considérés comme inondables et sont pour le moment soumis aux mêmes règles que la zone de récurrence 20-100 ans. La nouvelle réglementation devrait justement permettre de remédier à l’effet de « gel » mis en place depuis l’entrée en vigueur du régime transitoire en 2022. 
  • Oui, certains secteurs pour lesquels aucune cartographie n’existait (généralement moins urbanisés) seront nouvellement identifiés comme inondables. Une fois le choc passé, pourquoi ne pas voir ce changement comme une opportunité d’adapter nos pratiques d’aménagement pour diminuer le risque à un niveau acceptable pour la collectivité? C’est précisément sur cette notion de tolérance au risque que nous devrions débattre au moment de prendre connaissance des règles proposées par le gouvernement pour régir les interventions en zone inondable. 
  • Oui, les nouvelles données pourraient amener des prêteurs hypothécaires et des assureurs à réviser leurs façons de faire. On observe déjà une tendance vers un refus de prêter en zone inondable 0-20 ans, mais pas au-delà pour le moment. Concernant les assurances, il peut être utile de rappeler que l’assurance contre les inondations en eau libre n’existe que depuis quelques années au Canada et que la vaste majorité des propriétaires n’en ont pas. C’est l’État qui joue généralement ce rôle par le biais de l’aide financière aux sinistrés. Cela dit, il est vrai que contrairement aux règles d’aménagement, cet aspect est en dehors du contrôle du gouvernement et des municipalités. Une communication claire et une collaboration entre les acteurs seront nécessaires pour adoucir la période de transition. 

En réaction à ces enjeux anticipés, plusieurs réclament un soutien pour l’adaptation ou la relocalisation des bâtiments. Ces stratégies font effectivement partie d’un éventail de manières de mieux vivre avec les inondations, et il est vrai que l’aide actuellement offerte est insuffisante : ce n’est qu’après avoir subi une inondation que les propriétaires sont admissibles à l’aide gouvernementale pour transformer ou déplacer leur bâtiment, pas avant! 

Cependant, ce n’est pas simplement en laissant chaque propriétaire décider de l’avenir de son bâtiment qu’on s’adaptera collectivement aux inondations. On n’a qu’à regarder ce qui s’est produit dans les quartiers les plus touchés en 2017 et 2019 : une multiplication de terrains vacants ponctués çà et là de bâtiments surélevés, sans égard aux impacts sur les infrastructures municipales, sur l’offre déjà trop limitée en habitation, sur l’accessibilité aux commerces et services, sur la qualité de milieu de vie et sur le patrimoine bâti, pour ne nommer que ces enjeux. 

Une transformation réellement durable des secteurs exposés aux inondations passe par une planification d’ensemble : 

  • qui considère d’abord les mesures pouvant être prises à l’échelle du bassin versant, puis à l’échelle du milieu de vie et enfin à celle des bâtiments, le tout de façon cohérente (certains quartiers pourront être préservés et adaptés, d’autres non) 
  • qui dépasse les zones inondables pour intégrer les milieux de vie environnants (si on démolit quelque part, il faudra reconstruire ailleurs) 
  • qui prend en compte tous les ingrédients de l’aménagement de milieux de vie durables  (non, la résilience face aux inondations n’est pas le seul) 

Voyons le renouvellement de la cartographie des zones inondables comme un intrant nécessaire pour prendre des décisions éclairées, et soyons vigilants sur le contenu du nouveau cadre d’aménagement afin qu’il nous donne les moyens de mieux planifier nos territoires. Un mécanisme permettant de prendre en compte les particularités régionales est d’ailleurs prévu : assurons-nous qu’il soit réellement utile aux MRC et aux municipalités. 

Notice bibliographique recommandée :

 PERRAS, Catherine P. (2024). Révision des zones inondables : catastrophe annoncée ou opportunité de repenser nos pratiques d’aménagement?. Carrefour.vivreenville.org

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