Le problème des aménagements cyclables bidirectionnels
Qu’il s’agisse de bandes ou de pistes cyclables physiquement séparées des voies de circulation véhiculaire, les aménagements bidirectionnels en milieu urbain sont monnaie courante dans bien des milieux. Pourtant, les nombreux défis associés à ces aménagements font qu’ils sont généralement non recommandés.

De quoi parle-t-on?
Les aménagements cyclables bidirectionnels peuvent prendre plusieurs formes, en site propre ou sur une voie partagée.
Pour les aménagements en site propre, par exemple dans un parc, ou sur une ancienne emprise ferroviaire, une configuration bidirectionnelle est généralement la norme, que ce soit pour un sentier polyvalent (à la fois piétonnier et cyclable) ou pour une piste séparée des cheminements piétonniers. L’absence d’interactions fréquentes avec la circulation automobile fait que ces aménagements ne présentent pas de défis particuliers.

Piste cyclable en site propre(avec sentier piétonnier distinct), à Montréal. Source: Google Maps

Sentier polyvalent en site propre à Sherbrooke. Source: Google Maps
Issus de pratiques désuètes, les aménagements cyclables bidirectionnels sur rue sont quant à eux généralement non recommandés de nos jours. Bien que l'espace offert par facilite l'identification de l'aménagement et donne l'impression d'avoir plus de place, ces aménagements sont à l'origine de nombreux enjeux de sécurité.

Sentier polyvalent séparé de la chaussée, à Chambly. Source: Google Maps

Piste cyclable bidirectionnelle séparée de la chaussée, à Montréal. Source: Vivre en Ville

Bande cyclable non- séparée de la chaussée, à Québec. Source: Google Maps
Quel est le problème?
On peut distinguer deux grands domaines pour lesquels les aménagements bidirectionnels posent problème: l’accessibilité et la sécurité.
Une configuration qui force à traverser la chaussée
Tout d'abord, en matière d’accessibilité, les aménagements bidirectionnels sont, la plupart du temps, offerts d’un seul côté de la chaussée. Un tel aménagement unilatéral impose donc forcément aux personnes de traverser la chaussée, soit pour y accéder, soit pour le quitter. Cette situation est d’autant plus préoccupante lorsqu’il s’agit d’un sentier polyvalent censé remplacer deux trottoirs.
Une source de conflits et d’imprévisibilité
C’est surtout pour des questions de sécurité que les configurations bidirectionnelles sont généralement à proscrire. Lorsqu’un aménagement bidirectionnel est situé le long de la chaussée, les personnes qui s’y déplacent sont confrontées à des occasions fréquentes d’interaction avec la circulation automobile. Que ce soit aux intersections ou aux accès véhiculaires privés (autrement dit, aux entrées charretières), la circulation des cyclistes dans les deux sens, en particulier lorsqu'ils viennent en sens contraire du trafic automobile, peut surprendre les automobilistes et accroître les risques de collision.
Conflits liés à une bande cyclable bidirectionnelle. Source: Vivre en Ville
En dehors des intersections et des accès privés, c’est le niveau de séparation entre l’aménagement cyclable et la circulation qui peut poser problème. Pour offrir un niveau de sécurité satisfaisant, une piste cyclable bidirectionnelle ou un sentier polyvalent devrait bénéficier d’une véritable séparation physique (idéalement, une banquette plantée). Si la séparation est inexistante (dans le cas d’une bande cyclable signalée par du marquage au sol ou des bollards) ou insuffisante (simple bordure), la sécurité offerte aux cyclistes sera insatisfaisante, particulièrement pour la direction qui fait face à la circulation automobile. Et le problème est plus grand encore lorsqu’une bande cyclable bidirectionnelle est aménagée sur une rue où circulent des autobus.
Des transitions complexes avec les autres aménagements
Enfin, les aménagements bidirectionnels posent des défis particuliers lorsqu’il vient le temps de se connecter à des aménagements unidirectionnels. Ces situations exigent des configurations particulières pour permettre aux cyclistes de traverser la chaussée de manière sécuritaire. Une mauvaise gestion de ces transitions peut mener les cyclistes à circuler en dehors des aménagements qui leur sont destinés. Cela crée de la confusion et de l'insécurité pour tout le monde.
Transition entre une bande cyclable bidirectionnelle et des bandes cyclables unidirectionnelles à Montréal. Source: Vivre en Ville, d'après Google Maps
Des aménagements à éviter, et à corriger
Vu les nombreux écueils associés aux aménagements cyclables bidirectionnels, le premier réflexe devrait être d’éviter d’en créer de nouveaux. Quant aux aménagements cyclables bidirectionnels existants, on cherchera à les remplacer par des aménagements unidirectionnels (idéalement des pistes physiquement séparées de la chaussée, ou, à défaut, par des bandes cyclables). Lorsqu'un tel remplacement n'est pas possible à court terme, on pourra sécuriser de manière transitoire la bande cyclable bidirectionnelle en implantant des mesures de séparation physique comme des blocs de béton ou des bacs de plantation.

Piste cyclable séparée par une banquette plantée à Québec. Source: Vivre en Ville

Bande cyclable bidirectionnelle protégée par des bacs de plantation à Delson. Source: Google Maps
Quand est-ce que les aménagements bidirectionnels sur rue demeurent pertinents?
Malgré tout, dans de rares cas, la création d’aménagements cyclables bidirectionnels peut s’avérer acceptable, pourvu qu’ils offrent des conditions correctes en matière de sécurité (séparation physique, visibilité, gestion des conflits aux intersections, etc.). Le cas le plus classique, vise à relier deux tronçons de pistes cyclables en site propre situés du même côté de la chaussée. Il faudra alors s’assurer que la piste ne croise pas trop d’intersections ou d’accès privés achalandés.
Bien sûr, chaque cas est particulier et d’autres configurations pourraient sans doute justifier la création d’une piste cyclable bidirectionnelle, à condition de déployer les efforts nécessaires pour pallier les problèmes connus. Mais chose certaine, si tous les aménagements bidirectionnels ne sont pas à jeter à la poubelle, les bandes cyclables bidirectionnelles, elles, devraient disparaître du paysage le plus vite possible! C’est d’ailleurs ce que fait la Ville de Longueuil sur son territoire.
Exemple de mise aux normes d’une bande cyclable bidirectionnelle sur le chemin Tiffin, à Longueuil. Source: Vivre en Ville, d’après Google Earth.
CHOPIN, Pierre-Yves (2025). Le problème des aménagements cyclables bidirectionnels, Vivre en Ville. Carrefour.vivreenville.org.
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Auteur Pierre-Yves Chopin
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Date de publication 28 janvier 2025Date de mise à jour 24 février 2025
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