Sur l’archipel français de Saint-Pierre-et-Miquelon, au large de l’île de Terre-Neuve, le déménagement complet du village de Miquelon (600 personnes), prévu d’ici 2050, est en cours vers un site plus élevé en raison de la menace grandissante de la submersion et de l’érosion côtières. Par son ampleur et sa planification détaillée, cette initiative marque une première en France en matière d’adaptation aux changements climatiques.
Détails sur le projet
Statut
En cours de réalisation
Porteur du projet
Commune de Miquelon-Langlade
Type de retrait planifié
Complet
Milieu d’intervention
Centralité
Naturel
Contexte lié aux inondations
Dans la commune de Miquelon-Langlade, où se trouve le village de Miquelon, les effets des changements climatiques se traduisent par une élévation du niveau de la mer, estimée à environ 30 centimètres d’ici 2050, et par des berges davantage fragilisées par la disparition du banc de glace le long des côtes. La situation géographique du village le rend donc de plus en plus vulnérable aux inondations par submersion marine et à l’érosion côtière.
Face à ces menaces grandissantes, un Plan de prévention des risques littoraux (PPRL) a été élaboré par l’État en 2014, évaluant que la totalité du village se trouvait en zone à risque. Ce plan interdit par conséquent aujourd’hui toute nouvelle construction résidentielle ou infrastructure vulnérable à l’intérieur de cette zone, mettant à risque la viabilité économique du village existant.
Bien que l’entrée en vigueur de ce plan ait été vivement critiquée par la population, le passage d’une tempête causant d’importants dégâts en 2018 a contribué à une prise de conscience collective quant à la nécessité d’adapter le territoire aux risques climatiques. Un an plus tard, à l’été 2019, un questionnaire complété par 300 personnes peuplant l’archipel a révélé un changement d’opinion significatif: 89% des personnes consultées étaient désormais en faveur du déplacement du village. Cette volonté s’est exprimée publiquement lors d’une visite ministérielle en janvier 2020, au cours de laquelle des personnes ont manifesté pour réclamer un déplacement du village vers un secteur surélevé situé 1,5 kilomètre plus au sud.
Description du projet
L’opération de relocalisation a officiellement démarré en 2021, lorsque la Collectivité Territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a inclus dans son Schéma Territorial d’Aménagement et d’Urbanisme un nouveau secteur, situé environ 20 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer et à 1,5 kilomètre au sud du village actuel, dans le périmètre d’urbanisation de Miquelon-Langlade. Il s’agit du site revendiqué par la population lors de la manifestation de 2020.
Bien que Miquelon ait été épargné de justesse de l’ouragan Fiona en 2022, celui-ci a conduit les autorités à accélérer le processus de relocalisation du village. Cette dynamique s’est concrétisée le 19 janvier 2023 par la signature d’une charte d’engagement entre le maire, le président de la Collectivité Territoriale et le préfet de l'archipel. Six phases structurent le projet. La première, prévue d’ici 2026, vise la relocalisation de quinze premiers ménages ainsi que l’aménagement d’une zone refuge capable d’accueillir jusqu’à 300 personnes en cas d’événement climatique extrême. Cet objectif permettra d’obtenir des premiers résultats visibles d’ici 2026.
Choix d’aménagement du nouveau village
L’aménagement du nouveau village de Miquelon s’appuie sur une démarche participative de coconstruction afin d’imaginer un cadre de vie adapté aux besoins de la population. Dans cette optique, la commune s’est engagée dans la démarche d’Ateliers des Territoires, initiée par la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche. Quatre ateliers ont ainsi été menés par le cabinet d’architectes Alphaville durant l’année 2022 et 2023, permettant aux autorités locales et à la population d’élaborer des propositions d’aménagement de leur nouveau village.
Le projet met l’accent sur un aménagement durable et fonctionnel. Il prévoit notamment l’intégration de nouveaux sentiers dédiés à la mobilité douce. Au cœur du village, une place publique sera aménagée. Par ailleurs, les parcelles destinées aux habitations seront plus petites, en raison de normes environnementales plus strictes visant à limiter l’empreinte écologique de l’urbanisation.
Afin de limiter le volume de déchets lié à la désurbanisation progressive du village actuel, qui constitue déjà un enjeu à Miquelon, la réutilisation des matériaux des bâtiments existants sera privilégiée. Le nouveau village abritera donc aussi bien de nouvelles constructions que des bâtiments reconstruits à partir de l’existant. Dans le village actuel, des démolitions auront donc lieu au fil du temps pour les bâtiments dont l’état se dégrade ou dont la rénovation serait trop lourde.
Processus de sélection des ménages
Une liste d’attente a été mise en place et compte aujourd’hui une cinquantaine de personnes. La sélection des premiers ménages s’est faite selon le principe du «premier arrivé, premier servi», à condition que les candidats s’engagent à construire leur habitation rapidement. L’objectif est que les premiers logements soient en chantier dès la fin de l’année 2025. Pour les phases suivantes, le processus de sélection évoluera avec l’ajout de critères de vulnérabilité, permettant de prioriser les ménages les plus exposés aux aléas climatiques.
Rachat des biens exposés
L’adoption du Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) en 2014 a entraîné une chute des valeurs immobilières à Miquelon, rendant difficile une évaluation équitable des biens à racheter. Pour garantir une compensation juste aux propriétaires concernés, l’État a accepté de s’appuyer sur le marché immobilier actuel de Saint-Pierre, l’île voisine, comme référence.
L’évaluation repose sur une multitude de critères afin de refléter au mieux la valeur réelle des biens. Par ailleurs, un système de bail de location à long terme (40, voire 50 ans) avec un faible coût annuel a été mis en place pour les nouvelles parcelles, offrant à la population une transition en douceur. À l’issue du bail, il sera possible pour les locataires d’acheter leur parcelle, cette option étant difficilement envisageable à court terme pour plusieurs.
Préservation de la mémoire et de l’histoire du village
Afin de conserver une trace du village d’origine, l’ensemble des bâtiments a été photographié et ses infrastructures cartographiées par drone. Ce travail documentaire permet d’assurer une forme de préservation du patrimoine architectural et paysager de Miquelon. Par ailleurs, en complément des nouvelles constructions, certains bâtiments seront progressivement relocalisés, comme l'église. Ainsi, une partie du cadre bâti historique trouvera une place dans le nouveau village.
Acceptabilité sociale du projet
La proximité de l’emplacement du futur village avec celui du village actuel a joué un rôle clé dans son acceptation par la population. Aussi, des aménagements temporaires ont été mis en place sur le site, favorisant son accessibilité en attendant les premières relocalisations. Cela a permis de faciliter la transition et de permettre à la population de mieux se projeter dans leur futur cadre de vie. Des panneaux éducatifs ont également été installés pour expliquer le projet et ses objectifs, renforçant ainsi l’adhésion et la compréhension de la démarche auprès de la communauté.
Devenir du secteur vacant
À mesure que les habitations seront délocalisées, il est prévu que l’ancien site du village ne fasse pas l’objet d’un entretien et soit progressivement rendu à la nature. Ce retour à un état naturel permettra de réduire les coûts d’entretien et de favoriser la résilience écologique du territoire. Toutefois, ce secteur pourrait être partiellement réutilisé pour l’agriculture et le pâturage, en réponse aux enjeux locaux liés à la disponibilité de terres fertiles.
Retombées
Le déplacement de la population vers un site non exposé aux inondations et à l’érosion côtière permettra de réduire drastiquement le niveau d’exposition des biens et des personnes.
Autres informations
Partenaires du projet
La Préfecture, la Direction des Territoires, de l’Alimentation et de la Mer (DTAM), la Collectivité Territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT).
Coûts et financement
Le projet de relocalisation du village de Miquelon bénéficie de plusieurs sources de financement. Le Fonds européen d’investissement (2023) a accordé une enveloppe de 1,5 million d’euros (éq. à 2,3 millions de dollars canadiens en 2025), contribuant au lancement des premières phases du projet. En parallèle, l’ensemble de la population pourra accéder aux aides du Fonds Barnier, qui soutient la réalisation de travaux de réduction de la vulnérabilité des habitations et des bâtiments de petites entreprises exposées aux risques naturels. La Collectivité Territoriale apporte également un soutien financier grâce au Programme d’Actions de Prévention contre les Inondations (PAPI). Une première subvention de 500 000 euros (eq. à 774160 dollars canadiens en 2025) a été allouée pour la période 2022-2027 afin de couvrir les premières étapes du projet. Des financements complémentaires seront nécessaires pour mener à bien les phases suivantes de la relocalisation.
CHOPOT, Sandrine (2024). «Saint-Pierre-et-Miquelon. Miquelon: Une relocalisation progressive du village», Issuu, OUTRE-MER grandeur Nature, no20, p. 5-7. [https://issuu.com/oceindia/docs/omgn20/s/42450569] (consulté le 1 avril 2025)
DETCHEVERRY, Franck (2025). «Projet de relocalisation du village de Miquelon: Stratégie d'adaptation aux changements climatiques». Communication présentée au nom de Mairie de Miquelon-Langlade lors du forum Vivre avec les inondations, Québec, Vivre en Ville, 13 mars 2025.
PHILIPPENKO, Xénia, Lydie GOELDNER-GIANELLA, Gonéri LE COZANNET, Delphine GRANCHER, Ywenn DE LA TORRE (2021). «Perceptions of climate change and adaptation: A subarctic archipelago perspective (Saint-Pierre-and-Miquelon, North America)», Ocean & Coastal Management, vol. 215, [DOI:10.1016/j.ocecoaman.2021.105924]
Dans la commune de Miquelon-Langlade, où se trouve le village de Miquelon, les effets des changements climatiques se traduisent par une élévation du niveau de la mer, estimée à environ 30 centimètres d’ici 2050, et par des berges davantage fragilisées par la disparition du banc de glace le long des côtes. La situation géographique du village le rend donc de plus en plus vulnérable aux inondations par submersion marine et à l’érosion côtière.
Face à ces menaces grandissantes, un Plan de prévention des risques littoraux (PPRL) a été élaboré par l’État en 2014, évaluant que la totalité du village se trouvait en zone à risque. Ce plan interdit par conséquent aujourd’hui toute nouvelle construction résidentielle ou infrastructure vulnérable à l’intérieur de cette zone, mettant à risque la viabilité économique du village existant.
Bien que l’entrée en vigueur de ce plan ait été vivement critiquée par la population, le passage d’une tempête causant d’importants dégâts en 2018 a contribué à une prise de conscience collective quant à la nécessité d’adapter le territoire aux risques climatiques. Un an plus tard, à l’été 2019, un questionnaire complété par 300 personnes peuplant l’archipel a révélé un changement d’opinion significatif: 89% des personnes consultées étaient désormais en faveur du déplacement du village. Cette volonté s’est exprimée publiquement lors d’une visite ministérielle en janvier 2020, au cours de laquelle des personnes ont manifesté pour réclamer un déplacement du village vers un secteur surélevé situé 1,5 kilomètre plus au sud.